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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/230

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ses goûts modestes et sa prochaine union avec sa cousine le fixeront pour toujours près de nous.

— Voilà ce dont nous ne pouvons nullement répondre, ma chère amie, non ! Je suis, au contraire, presque certain qu’il s’est opéré ou qu’il va s’opérer un changement radical dans les tendances de notre fils ; son avenir pourra être très-modifié. Or, entre nous, je serais loin de regretter ce changement. Je vais te confier toute ma pensée à ce sujet.

— Ah ! puissent mes pressentiments me tromper ! — pensait madame Dumirail avec une anxiété mortelle. — Grand Dieu ! l’orgueil paternel mal compris pourrait-il troubler, égarer un esprit aussi lucide, aussi ferme, aussi sage que celui de mon mari !


XLI


M. Dumirail, après quelques moments de recueillement, dit à sa femme :

— N’as-tu pas été frappée de l’air soucieux, pensif, presque sombre de Maurice depuis hier au soir, que ce courrier galonné d’or est venu annoncer à notre neveu qu’il était nommé chargé d’affaires ?

— Durant la soirée d’hier, qu’il a passée ici, au chalet, avec moi, alors que Jeane, revenue de son évanouissement, sommeillait, notre fils, en effet, m’a semblé triste, préoccupé ; mais rien ne me donne à penser, mon ami, que la tristesse de Maurice fût causée par la nomination de son cousin au poste qu’il va remplir.

— À quelle cause, alors, attribuer les soucis de notre fils ?

— Peut-être au sentiment de jalousie auquel il avait un moment cédé avant-hier.

— C’est impossible… il est maintenant fiancé à Jeane, et Albert est parti ; notre fils n’a donc même plus le prétexte d’être jaloux. Or, évidemment, sa tristesse, ses préoccupations doivent avoir et ont d’autres causes.