Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tait sa femme et les deux jeunes gens, dit à Jeane, en lui faisant signe de le suivre :

— Viens, mon enfant, j’ai à t’entretenir d’un sujet qui te concerne exclusivement… Tu reviendras ensuite auprès de ta tante et de Maurice.

La jeune fille suivit M. Dumirail. Il la fit asseoir et s’assit près d’elle sous la galerie rustique dont était précédé le chalet, et dit :

— Mon enfant, tu aimes tendrement Maurice, n’est-ce pas ?

— De toute mon âme.

— Tu désires l’épouser ?

— C’est le plus cher de mes vœux.

— Ce mariage comble aussi nos vœux ; il ne saurait donc rencontrer d’autres obstacles que ceux que tu y apporterais toi-même.

— Moi, grand Dieu !

— Je m’explique. Tu exerces sur l’esprit de Maurice une grande influence.

— Il a foi dans mon amour et confiance dans mon dévouement… voilà tout !

— Quelle qu’en soit la cause, cette influence existe. Ainsi tu étais le mobile de la louable ambition de Maurice, et cette ambition, inspirée par toi, a été momentanément étouffée par toi.

— Je la croyais, je la crois dangereuse pour le repos, pour le bonheur de Maurice.

— Je pense absolument le contraire, et tu m’accorderas, j’imagine, un certain discernement en ce qui touche les véritables intérêts de mon fils ? Il suit de là que, si, malgré mes instances, tu persistes à détourner Maurice d’une ligne de conduite que, pour mille raisons, je veux lui faire suivre, il me sera démontré que tu agis sciemment ou plutôt aveuglément contre ses intérêts bien entendus. En ce cas, je te le déclare, Jeane, je te le déclare formellement, si pénible que me soit la pensée de chagriner mon fils, et de t’affliger aussi… tu ne seras jamais sa femme ! Si, au contraire, tu le ramènes à ses premiers projets, il dépendra de toi de hâter l’époque de votre union, en stimulant la généreuse émulation de ton fiancé, afin qu’il parvienne le plus tôt possible à une position dont nous serons tous justement enorgueillis.

— Ainsi, mon oncle, — balbutia Jeane d’une voix altérée, — telle est votre résolution ?

— Telle est ma résolution inébranlable.

— De grâce, écoutez-moi !

— Veux-tu, oui ou non, partager, favoriser mes vues au sujet de Maurice ?