Antoinette manquait de l’instruction la plus vulgaire ; elle eut des professeurs de toute sorte, et elle profita tellement de leurs leçons, qu’en moins de deux ans elle parlait irréprochablement sa langue, l’écrivait avec goût, possédait, en histoire, en géographie, en littérature, des notions suffisantes pour prendre part à toute conversation sérieuse et souvent y briller ; enfin, grâce au développement de son goût naturel pour la musique et l’étude, elle devint très-bonne musicienne.
Ces succès enchantèrent lord Fitz-Gerald ; il les paya royalement d’une inscription de vingt mille livres de rente, qui vint se joindre aux épargnes d’Antoinette, déjà considérables. Elle rencontra aux eaux d’Ems, où son lord l’avait conduite, un prince régnant d’Allemagne, vieillard usé par la débauche. La rare beauté d’Antoinette l’éblouit, ses excellentes manières, sa bonne grâce, son talent de musicienne, son esprit, achevèrent la séduction, et le grand-duc s’affola de la maîtresse de lord Fitz-Gerald. Celui-ci commençait à s’ennuyer de sa liaison. L’éducation d’Antoinette était achevée ; les incitants d’une métamorphose à accomplir ne le stimulaient plus ; aussi la folle passion du grand-duc lui parut-elle venir très à point pour caser superbement Antoinette. Il lui traça, en homme d’expérience et en ami, la ligne de conduite à tenir avec son quasi royal adorateur, et la quitta dans les meilleurs termes, la laissant riche d’environ quarante mille livres de rente.
Le grand-duc, enchanté de sa conquête, emmena Antoinette dans ses États, et, afin de lui donner entrée à sa cour, il créa bel et bien, en vertu de son omnipotence, Antoinette, femme Godinot, née Renard, baronne de Hansfeld. Elle joua non moins habilement son rôle de femme de cour que naguère son rôle de femme du monde.
Ce contraste de haute distinction au dehors et de licencieuse effronterie dans le tête-à-tête, ce mélange de grande dame et de fille dressée à la housarde tournèrent complétement la cervelle du grand-duc : il combla de biens madame de Hansfeld, lui donna scandaleusement au palais le logement de feu la grande-duchesse madame sa femme, et, abrégeant sa vie par des excès funestes aux vieillards, il mourut un an après avoir rencontré Antoinette. Celle-ci, aussitôt après le décès du grand-duc, reçut, de la part de son héritier présomptif, l’ordre de quitter le grand-duché dans les vingt-quatre heures.
Antoinette revint donc en France, titrée baronne de Hansfeld, riche de plus de soixante mille livres de rente, sans compter des pierreries magnifiques. Alors âgée de vingt-quatre ans et dans