vices, ou la sottise, ou l’ignominie devraient exciter d’insurmontables répulsions ? » Madame de Hansfeld devisait donc, ce jour-là, dans son boudoir, avec M. Richard d’Otremont, qui, depuis longtemps, lui faisait, ainsi que l’on dit, la cour.
— Non, — répétait-il, — non, vous ne me persuaderez jamais que vous n’aimez personne ; c’est une consolation banale que vous me donnez là.
— Consolation… ou espérance… qui sait ?…
— Vous seule le savez, cruelle !…
— Peut-être… Il est souvent si difficile de lire clairement dans notre propre cœur.
— Vous aimez quelqu’un, vous dis-je !
— Une pareille persistance à affirmer ce que je nie, mon cher Richard, n’est pas sans cause ?
— Certes…
— Vous soupçonnez quelqu’un de me plaire ?
— Oui.
— Qui cela ?
— Eh bien !…
— Voyons… achevez…
— San-Privato.
— Quelle folie ! — répondit madame de Hansfeld haussant les épaules ; — le prince de Serra-Nova, qui raffole de son secrétaire d’ambassade et qui vient de le faire nommer en son absence chargé d’affaires, me l’a présenté, il y a plus d’un an de cela, et, depuis lors, M. San-Privato, sans doute fort occupé ailleurs, et il doit l’être, car il est charmant, n’a jamais remis les pieds chez moi.
— Raison de plus !
— Comment !… parce que je ne vois jamais M. San-Privato, il s’ensuit conséquemment que je dois l’aimer ?
— Le mystère est si doux !
— Pourquoi le mystère ? le prince ne me connaît-il pas assez ?… N’est-il pas homme de trop bonne compagnie pour être jaloux ?
— Certes… mais…
— Mais… quoi ?
— Tenez, Antoinette, San-Privato a auprès de M. Serra-Nova une position tellement intime, qu’il est incroyable, impossible que vous soyez restés jusqu’ici étrangers l’un à l’autre et que vous ne l’ayez pas remarqué.
— Je l’ai remarqué, au contraire : ne vous ai-je pas dit que je l’ai trouvé charmant ? Je ne connais personne qui m’aurait plu davantage, sinon vous peut-être.