Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à d’apparentes minuties, dont je comprends cependant l’importance, ils m’inspirent pour vous la plus vive reconnaissance, car ils me prouvent votre sollicitude, votre affection ; et, plus que jamais, je me demande qui m’a valu, qui me vaut ce tendre et subit intérêt dont vous me donnez tant de preuves.

— Ce mystère est, je vous l’ai dit, l’unique secret que j’aurai jamais pour vous, Maurice ; d’ailleurs, peu vous importe la cause de mon affection, de mon dévouement passionné.

Mais madame de Hansfeld, se reprenant et baissant les yeux, ajouta :

— Oui, passionné, entendez-vous, Maurice ? saintement passionné… comme peut l’être l’amour de la mère pour son fils, de la sœur pour son frère. Ah ! mon ami, je vous le répète, mon vœu, mon espoir le plus cher, est à la fois de mettre en valeur, moralement et physiquement, tout ce qu’il y a en vous de beau, de bon, de bien, et de vous inspirer le goût des plaisirs honnêtes, afin de vous sauvegarder de ces écueils si dangereux pour les jeunes gens inexpérimentés de la vie de Paris. Résumons-nous donc : vos journées seront consacrées à l’étude jusqu’à quatre heures, alors le studieux élève en diplomatie se transforme et devient un jeune élégant ; vous allez passer une demi-heure à votre club, puis vous faites une promenade à cheval aux Champs-Élysées. Vos parents, dans la position de fortune où ils sont, ne sauraient raisonnablement vous refuser deux chevaux de selle, un groom pour vous suivre et un palefrenier ; votre valet de chambre suffira à votre service personnel. Je chargerai mon premier cocher d’aller choisir vos deux chevaux chez le marchand en vogue et de vous chercher des gens d’écurie.

— Madame, — dit Maurice, très-tenté du programme exposé par Antoinette, mais songeant à la dépense, — je ne sais si mes parents…

— Vos parents, mon cher Maurice, jouissent d’une trop grande fortune et ils sont trop justes pour vous refuser le nécessaire. Vous montez donc à cheval de cinq à six heures, vous allez aux Champs-Élysées, où vous me rencontrez dans ma calèche, et là, ainsi que ces élégants si enviés par vous hier, vous vous penchez à ma portière et nous causons familièrement, très-familièrement.

— Ah ! combien je serais fier, heureux d’être ainsi, aux yeux de tous, distingué par vous ! — reprit Maurice cédant de plus en plus à un invincible entraînement. — Ce n’est plus moi qui envierai, c’est moi qui exciterai l’envie !

— Enfin, lorsque vous pourrez me consacrer une de vos soi-