Albert ; tu connais Paris ; conseille-moi donc. Mes prières, mes ordres, mes larmes sont inutiles ; quel pouvoir invoquer ?… Mon Dieu ! mon Dieu !… Faut-il donc que j’aille supplier à genoux cette madame de Hansfeld de me rendre mon fils !
— Quoi ! ma tante, — dit San-Privato feignant la surprise, — la femme dont il s’agit est la baronne de Hansfeld ?
— Oui… la connais-tu ?
— De renom, seulement ; mais, juste ciel ! quel renom !
— Tu m’effrayes !
— Cette femme sans mœurs, avide, enrichie par le vice, et d’une beauté merveilleuse, est l’une des plus dangereuses courtisanes de Paris.
— Hélas ! mon Dieu, cela m’explique l’entraînement de mon malheureux enfant.
— Plaignez-le, ma tante, — reprit Jeane avec une ironie amère. — Il faut excuser en lui, n’est-ce pas ?… l’erreur du jeune âge, d’un tendre cœur.
— Tiens, Jeane, tu es impitoyable ! — reprit madame Dumirail ; — crois-tu que c’est ainsi que nous ramènerons Maurice à nous ?
— Le ramener à nous ?… — dit la jeune fille. — Ah ! je ne…
— Mais, ma tante, — se hâta de reprendre San-Privato en interrompant Jeane, — comment Maurice a-t-il fait connaissance avec madame de Hansfeld ?
— Elle lui a écrit sous le prétexte d’acquérir notre domaine du Morillon.
— Comment donc a-t-elle été instruite de votre arrivée à Paris ?
— Je l’ignore. Il y a certainement là-dessous quelque perfide machination, reprit madame Dumirail avec une anxiété croissante. Encore une fois, que faire ? mon fils court à sa perte avec une effrayante rapidité. Je vais écrire à mon mari de hâter son arrivée ; mais il ne peut être ici que dans deux ou trois jours, à moins qu’il ne soit déjà en route, ce qui n’est pas probable. Mais, jusqu’au moment de la venue de mon mari, à qui recourir, pour exercer sur mon fils une influence efficace, puisque la mienne est impuissante ?
Et, réfléchissant, madame Dumirail ajouta :
— Il n’y a plus à hésiter ; seul, M. Charles Delmare peut encore avoir peut-être quelque action sur mon fils ; je vais mander sur l’heure notre excellent ami, au risque de déplaire à mon mari.