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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/366

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En ce moment, Charles Delmare et madame Dumirail entrèrent presque simultanément dans la chambre, par deux portes différentes.

Le premier regard de Delmare chercha Jeane et s’arrêta sur elle avec une expression de tendresse ineffable ; mais bientôt il tressaillit de surprise et son cœur se brisa en remarquant l’impression profondément répulsive que sa présence causait à sa fille ; cette évidente répulsion se manifestant aussi, quoique moins prononcée, chez madame Dumirail, Charles Delmare, à la vue de San-Privato, ne douta pas d’une nouvelle perfidie de ce dernier.

— Monsieur, dit à Delmare madame Dumirail d’un ton glacial, je n’ai pas eu l’honneur de vous écrire ; je suis donc très-étonnée de vous voir chez moi.

— Ma tante, — dit vivement Jeane au moment où son père s’apprêtait à répondre, — vous devez comprendre qu’il m’est impossible de rester un moment de plus ici.

La jeune fille se dirigea rapidement vers la porte communiquant au salon, et détourna brusquement la tête en passant devant Charles Delmare, qui, d’un regard navrant, tâchant de rencontrer les yeux de sa fille, lui dit d’une voix altérée :

— Mademoiselle Jeane, je…

— Ah ! laissez-moi, votre présence ici me révolte ! — s’écria la jeune fille avec un accent et un geste d’horreur.

Puis elle disparut dans la pièce voisine au moment où San-Privato disait tout bas à madame Dumirail :

— Rappelez-vous mes conseils ; accusez soudain et sans transition M. Delmare du meurtre de mon oncle Ernest, et vous aurez la preuve de ce que je vous affirme !


III


Charles Delmare, consterné de l’accueil de sa fille et prévoyant dès lors la révélation de son secret par San-Privato, fit cependant bonne contenance, et, répondant à la question de madame Dumirail :