venu ; car, tout vieux que je suis, je me porterais à quelque violence contre lui.
— Grand Dieu ! — s’écria madame Dumirail pensant à la promesse de Charles Delmare de revenir dans la soirée, s’il avait quelque chose de nouveau ou d’important à lui apprendre au sujet de Maurice.
Puis, sonnant de nouveau sa servante, qui accourut aussitôt, elle lui dit :
— Josette, n’oubliez pas que, si M. Charles Delmare se présentait ici, vous ne devez le laisser entrer sous aucun prétexte, vous entendez bien ? sous aucun prétexte ; vous lui direz toujours que nous sommes sortis.
— Quoi ! madame, renvoyer ce digne M. Delmare !… ah ! vrai, je n’aurai jamais ce courage-là !… ma foi, non !
— En ce cas, si vous vous avisez de ne pas exécuter mes ordres, — reprit M. Dumirail, — je vous chasse de chez moi.
— Bonté divine ! — reprit Josette effrayée, — me chasser, me laisser sur le pavé de Paris ! Qu’est-ce que j’y deviendrais, juste ciel ? Rien que de penser à cela, j’ai le frisson.
— Que cette crainte vous engage à m’obéir fidèlement, — reprit M. Dumirail. — Sortez, et laissez-nous.
— Et n’oubliez pas de venir me prévenir du retour de mon fils, — ajouta madame Dumirail en regardant la pendule.
Josette sortit en disant :
— Maudit voyage ! les chiens du Morillon avaient bien raison de hurler à la mort…
— Bientôt une heure du matin, et l’absence prolongée de Maurice ne paraît pas même étonner mon mari ! — pensait madame Dumirail. — Ah ! je n’en puis plus douter, il en coûte trop à son amour-propre de reconnaitre la justesse de mes tristes prévisions et de s’avouer que son obstination à envoyer notre fils à Paris le rend presque responsable des désordres de ce malheureux enfant ! Aussi mon mari tâchera-t-il de les atténuer, moins par indulgence que par orgueil.
M. Dumirail, après un moment de silence, reprit avec effort :
— Ne parlons pas en ce moment de ce Delmare, je perdrais mon sang-froid ; je veux oublier, ma chère Julie, que, t’exagérant presque follement les torts de Maurice, tu as été jusqu’à engager ce Delmare à revenir ici, afin de recourir à ses conseils ; or, si l’on pouvait excuser l’ingratitude de Jeane à notre égard, elle le serait en cela, qu’en effet il eût été affreux pour elle de se rencontrer ici avec le meurtrier de son père ; mais cette appréhen-