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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/417

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erreur en vous donnant à nous comme l’un des témoins de monsieur votre fils.

— Eh bien ! messieurs, puisque vous savez maintenant qui je suis, vous pouvez aller dire à M. d’Otremont qu’il ne tuera pas Maurice, — reprit M. Dumirail avec une ironie amère. — Non, mon fils n’augmentera pas le nombre des victimes d’un spadassin, et je…

— Monsieur, — dit l’un des témoins, interrompant M. Dumirail et le saluant respectueusement, afin de prendre congé de lui, — nous sentons tout ce qu’un pareil entretien a dû avoir et a de pénible pour vous ; souffrez donc que nous y mettions fin…

— Encore une fois, monsieur, excusez-nous d’un malentendu dont nous sommes aux regrets, — ajouta l’autre témoin prenant aussi congé du père de Maurice. — Pardon, monsieur, nous savons ce qu’il nous reste à faire…

— Vous n’entrerez pas chez mon fils ! — s’écria M. Dumirail se méprenant sur les intentions des deux témoins et les rejoignant au moment où ils ouvraient la porte du salon. — Je ne souffrirai pas que…

— Rassurez-vous, monsieur, nous ne voulons nullement voir monsieur votre fils malgré vous, — reprit un des témoins en se retournant. — Nous avons eu l’honneur de vous dire que nous savions maintenant ce qu’il nous restait à faire.

— Et que vous reste-t-il donc à faire, messieurs ? — demanda M. Dumirail, de qui les craintes se réveillaient. — Ne vous ai-je pas déclaré que ce duel n’aurait pas lieu ?

— Agréez monsieur, l’assurance de nos sincères regrets, — reprit l’un des témoins.

Et il sortit, ainsi que son compagnon, par la porte de l’antichambre qui ouvrait sur l’escalier, tandis que M. Dumirail, bourrelé de frayeur et d’angoisses, rentrait chez lui en murmurant :

— Malheureux père que je suis !… ah ! je paye cruellement ma folle aberration… Ils veulent tuer mon fils !…

Et, cachant son visage entre ses mains, M. Dumirail se laissa tomber avec accablement dans un fauteuil en répétant :

— Ils veulent tuer mon fils !…