Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

passé. Hier, j’ai appris par madame Dumirail que Maurice avait cédé aux séductions d’une certaine baronne de Hansfeld, et, selon moi, votre neveu San-Privato n’était pas étranger aux manœuvres de cette femme. Désireux de me renseigner sur elle, j’allai voir un de mes anciens amis, beaucoup plus jeune que moi, et qui m’a quelques obligations, c’est M. d’Otremont…

— L’adversaire de mon fils ?

— Oui, monsieur, je l’ai rencontré ce matin chez lui ; son accueil m’a prouvé que le temps n’avait en rien altéré son amitié pour moi, ce dont maintenant je me félicite doublement, puisqu’il est l’adversaire de Maurice, et qu’il m’a promis de…

— Dieu soit béni ! — s’écria M. Dumirail, — ce malheureux duel n’aura pas lieu !

— Vous êtes dans l’erreur, monsieur.

— Quoi !… ce duel ?

— Est inévitable.

— Et vous prétendiez pouvoir sauver la vie de mon fils, — reprit M. Dumirail avec l’expression d’un doute amer ; vous m’abusiez donc ?

— Non, monsieur, je ne vous abusais pas ; mais, je vous le répète, le duel est inévitable ; mes plus vives instances ont échoué devant l’inflexible résolution de M. d’Otremont. Fanatique du point d’honneur et publiquement outragé, il se regarderait comme déshonoré, s’il n’obtenait, au moins aux yeux du monde, une réparation par les armes ; mais, dans cette rencontre, Maurice, je l’espère, ne courra aucun danger.

— Comment !… et il se bat contre cet adroit spadassin ?

M. d’Otremont m’a donné sa parole d’honneur, et je la tiens pour sacrée, de désarmer Maurice dès le premier engagement, et de le désarmer de nouveau, si le combat continue. M. d’Otremont possède une telle science de l’escrime, qu’il peut répondre d’accomplir sa promesse et de ne pas blesser Maurice, à moins que celui-ci ne s’enferre de lui-même, ce qui n’est pas probable… car, ce matin, en une heure de leçon, je suis certain de le prémunir contre ce danger ; puis…

— Et, s’il néglige ou s’il oublie cette leçon ! — s’écria M. Dumirail avec angoisse, — si ce spadassin, dans la chaleur du combat, oublie lui-même sa promesse et… Ah ! les prétendus services que vous voulez me rendre me font frémir, monsieur ! mon fils ne se battra pas.

— Croyez mes conseils, je…

— Mon fils ne se battra pas, vous dis-je !