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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/446

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du duel. À cette pensée, le cœur lui manqua ; il devint d’une pâleur mortelle, ses genoux tremblèrent, il fut obligé de s’appuyer au dossier du lit de madame Dumirail, qui murmura dans son effroi :

— Grand Dieu ! mon ami, tu pâlis, tu sembles près de défaillir !…

— Merci, mon Dieu, merci !… tu nous as conservé notre enfant ! — s’écria soudain M. Dumirail, prêtant l’oreille à la porte, en entendant la voix de Maurice disant à Josette :

— Comment va ma mère ?…

Presque aussitôt la porte s’ouvrit, et le jeune homme entra, suivi de Charles Delmare :

M. Dumirail, d’un regard rapide, s’assura que son fils n’était pas blessé, se jeta dans ses bras, l’embrassa avec une sorte de frénésie ; puis, les traits épanouis et les yeux pleins de larmes de joie, il poussa Maurice vers le lit de sa mère en disant :

— Crains-tu encore quelque chose maintenant, pauvre bonne mère ?… Allons, embrasse-le à ton tour, cet enfant. Jamais tes caresses ne lui auront paru plus douces…

— Maurice, je n’en doute plus, tu viens d’échapper à un grand danger. Soyez béni, mon Dieu ! vous qui nous rendez notre fils ! — s’écria madame Dumirail en attirant à elle, par une étreinte passionnée, Maurice, qui répondit avec effusion aux caresses maternelles.

Pendant que madame Dumirail et son fils, toujours embrassés échangeaient de tendres paroles, Charles Delmare, s’adressant à M. Dumirail d’une voix grave et émue, lui disait :

— Adieu, monsieur, nous ne devons plus nous revoir : une funeste révélation rend désormais tout rapport impossible entre nous ; j’aurai du moins tenté d’expier le malheur irréparable dont autrefois j’ai été cause. Je vous ramène votre fils sain et sauf ; sa bravoure a égalé la générosité de son adversaire, qui l’a désarmé deux fois, et lui a ensuite tendu la main en lui proposant l’aveu de leurs torts réciproques. Maurice a dignement répondu à ce loyal appel… Ainsi s’est terminée, à la satisfaction de tous, cette fâcheuse affaire.

— Ah ! monsieur, — reprit M. Dumirail d’un ton pénétré et avec l’expression d’une profonde reconnaissance, — je vous dois aujourd’hui la vie de mon fils ; pourquoi faut-il, hélas ! qu’il y ait entre nous deux le sang de mon malheureux frère !

— C’est mon juste châtiment, monsieur ; il rompt pour jamais des relations qui m’étaient chères à tant de titres.