lescence sera troublé… son cœur restera, je n’en veux pas douter, fidèle à Jeane… mais… et là est encore ma crainte… peut-être cherchera-t-il dans une liaison subalterne, indigne de lui…
— Ah ! monsieur Delmare, — dit madame Dumirail avec dégoût, et interrompant Charles Delmare, — supposer mon fils capable de se dégrader à ce point !
— Ma chère Julie, le langage de notre ami est tel qu’il doit être, sincère, éclairé ; il prévoit tout, parce qu’il faut parer à tout ; il tient sagement compte des infirmités de l’humaine espèce.
— Ce n’est pas tout, cet égarement passager aurait moralement des conséquences funestes, — reprit Charles Delmare ; — car enfin, rien n’est à mes yeux et aux vôtres, sans doute, plus charmant, plus saint… que l’union de deux êtres d’une pureté pareille et, dans leur chaste ignorance, s’éveillant ensemble à des sensations nouvelles… mais, de plus, une union contractée en de telles conditions offre presque toujours une garantie de bonheur assuré… Elle laisse ainsi, dans l’âme des époux, un ineffaçable souvenir d’innocence et d’amour… Ah ! je vous en conjure, ne risquez pas de perdre ou de compromettre une chance de félicité certaine, en ajournant le mariage de ces deux enfants. Retardez-le… je le comprends, jusqu’à l’époque de la majorité de Maurice… c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’automne… mais fiancez-les tous deux le plus tôt possible… Un dernier mot… les prévisions, les espérances les mieux fondées, les plus sages, sont quelquefois déjouées par les événements, je le sais ; mais le père et la mère de famille ont du moins accompli leur devoir sacré… lorsqu’après avoir longtemps étudié le caractère, l’esprit, les aptitudes, que dirai-je ? jusqu’à l’organisation physique de leur enfant, ils lui tracent la route qui doit, selon eux, le conduire au bonheur… Ce devoir accompli, si les hasards des événements ruinent les desseins du père de famille, du moins, sa conscience ne lui reproche rien…
— Eh bien ! chère Julie, tu as entendu notre ami… ton opinion est-elle modifiée ?
— Beaucoup. La justesse de plusieurs observations de M. Delmare me frappe. Je crois maintenant qu’il y aurait de graves inconvénients à reculer de beaucoup le mariage de ces enfants, et que nous devrons les instruire de nos projets. Seulement, la question est tellement grave, mon ami, que je désirerais soumettre à l’épreuve de deux ou trois jours de réflexion avec moi-même l’adhésion à peu près complète que je viens de donner à ta manière de voir à propos de cet acte si important.
— À merveille ! ma chère amie, réfléchis à loisir ; une décision