les nie, j’ai eu mes torts. Confessons-nous donc à nous-mêmes nos erreurs en toute sincérité d’âme. Regrettons-les, qu’elles nous soient un enseignement ; mais, encore une fois, parlons seulement de l’avenir.
— Soit, chère Julie, — reprit M. Dumirail observant attentivement Maurice, qui restait muet et profondément préoccupé ; — j’approuve complétement tes paroles : que ceux d’entre nous qui ont des torts à se reprocher se les confessent et y trouvent un enseignement pour l’avenir. Cet avenir est pour nous tout tracé. Retourner au plus tôt dans notre chère retraite, d’où nous n’aurions jamais dû sortir, ne plus là quitter jamais et y vivre comme en ce bon temps où tu disais, cher enfant : « Laboureur je suis né, laboureur je mourrai… » T’en souviens-tu ?
— Oui, mon père ; mais alors… mais alors…
— Achève, pas de réticence… soyons sincères !
— Eh bien ! mon père, en ce temps dont il est question, je ne me sentais pas entraîné vers une nouvelle carrière par une vocation que tu as éveillée, favorisée de tout ton pouvoir, et qui, grâce à tes encouragements, est maintenant devenue invincible…
— Mon fils…
— J’ai dit invincible, je maintiens l’expression, mon père, et, une fois pour toutes, je le déclare, afin de couper court à de nouvelles et inutiles instances, jamais je ne redeviendrai cultivateur. Donc, ainsi que l’a dit ma bonne mère, ne parlons plus d’un passé qui ne peut renaître. Quant au présent, je me permettrai de t’exposer sincèrement tout à l’heure ce que j’attends de ton affection et de ton équité.
Ces paroles de leur fils, prononcées d’une voix ferme et nette, accompagnées d’un regard assuré, surprirent autant qu’elles affligèrent M. et madame Dumirail. Ils avaient cru faire preuve d’une longanimité irrésistible en épargnant à Maurice non-seulement les reproches, mais jusqu’à l’ombre d’une allusion à ses désordres, comptant que, touché de tant de généreuse clémence, pénétré de repentir, il n’hésiterait pas un instant à retourner au Morillon. Leur déconvenue fut extrême. Ils commencèrent d’entrevoir avec frayeur que les aveux échappés la veille à son ivresse n’étaient pas des insanités d’esprit causées par l’excitation du vin, mais trahissaient au vrai, sauf la brutalité de la forme, le fond de l’âme de Maurice.