Et, s’adressant à Charles Delmare :
— Vous me permettez de vous présenter à ma sœur comme notre meilleur ami ?
— Je suis fort sauvage, et, vous le savez, très-peu désireux de nouvelles connaissances ; mais, madame votre sœur devant passer quelque temps ici… cette présentation est indispensable… Je m’y soumettrai donc de la meilleure grâce du monde.
— Maurice, — dit madame Dumirail au moment de quitter l’appartement, — où est donc Jeane ?
Ces mots, auxquels il eût la veille répondu sans le moindre embarras, firent, malgré lui, rougir Maurice, et, quoiqu’il n’eût pas adressé un mot à sa cousine depuis la scène de la fenaison, incident puéril, mais qui l’avait éclairé sur la nature de son sentiment pour Jeane, il se sentit troublé par la question si naturelle de sa mère, et, croyant que tous les regards attachés sur lui cherchaient à pénétrer son tendre secret, baissa les yeux, rougit davantage, et l’ingénu fut sur le point de répondre comme Caïn : « M’avez-vous donc donné Jeane à garder ?… » mais il balbutia seulement :
— Je n’ai pas vu ma cousine depuis tantôt… après la rentrée des foins… Je… je… crois qu’elle… est allée s’habiller pour dîner.
Ce disant, Maurice essuya de grosses gouttes de sueur qui tombaient de son front empourpré ; puis, pour dissimuler sa confusion, sortit précipitamment en disant :
— Je vais au-devant de ma tante et de mon cousin.
Apparent empressement qui s’accordait mal avec la très-visible contrariété que la venue des San-Privato causait à Maurice, et dont Charles Delmare, très-observateur, s’était seul jusqu’alors aperçu. Il dit en souriant à M. et à madame Dumirail :
— Avez-vous remarqué le trouble, la rougeur de ce pauvre Maurice au seul nom de Jeane ?
— Certainement, répondit M. Dumirail, — et l’embarras de Maurice suffirait à nous éclairer, si nous pouvions douter de…
M. Dumirail fut interrompu par l’arrivée de sa nièce venant de l’intérieur de l’appartement, tandis que Maurice en sortait par la porte extérieure. Le regard le moins attentif eût été frappé du soin minutieux qui avait présidé à la toilette de Jeane, vêtue de sa robe la plus fraîche, portant des bottines toutes neuves, et ayant, pour la première fois, eu l’idée d’entremêler avec goût quelques fleurs de grenadier d’un pourpre éclatant au milieu des tresses de ses magnifiques cheveux blonds dorés ; cette coiffure