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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/491

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XVII


Madame San-Privato occupait, dans le quartier d’Antin, un assez vaste appartement ; l’observateur le moins attentif eût été frappé du désordre de ce logis, et d’autres indices significatifs du mélange de luxe et de gêne au milieu duquel vivait incessamment la sœur de M. Dumirail. Elle achevait ce matin-là sa toilette à grand renfort de divers cosmétiques, que lui présentait d’un air maussade et bourru sa femme de chambre, Catherine, grande et grosse créature, mal peignée, malproprement vêtue et chaussée de savates.

— C’est étonnant, — disait madame San-Privato assise devant sa toilette et étendant délicatement sur ses joues une nuance de carmin ; — oui, il est étonnant, Catherine, que vous n’ayez rien entendu cette nuit.

— Étonnant ou non, le fait est que je n’ai rien entendu.

— C’était vers deux heures du matin, du côté de la chambre de mon fils…

— Laquelle… chambre ?

— Comment, laquelle ?

— Dame, oui : s’agit-il de la chambre qu’il occupe maintenant, ou bien de son ancienne chambre, où couche à présent votre nièce ?

— C’est de la chambre occupée à présent par ma nièce que je parle. Il m’a semblé, vers les deux heures du matin, y entendre du bruit, comme si on y avait renversé un meuble. J’ai été sur le point de me lever, afin d’aller éveiller mon fils ; mais la peur m’a retenue ; je me suis fourrée sous ma couverture, et je n’ai plus rien entendu.

— C’est malin, vous aviez votre couverture par-dessus les oreilles.

— À la bonne heure ; mais, j’en reviens là, comment se fait-il que ce bruit ne soit pas parvenu jusqu’à vous ?

— Eh ! puisqu’on vous dit que non, encore une fois… C’est embêtant, à la fin !