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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/612

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femme son chapeau et sa pelisse. — Permettez-moi de vous conduire jusqu’à votre voiture.

Quelques moments après, M. d’Otremont, rentré dans son salon, écoutait avec un morne accablement le bruit de plus en plus lointain de la voiture qui emmenait madame San-Privato, et se disait :

— Il y avait quelque chose de sinistre, de fatal dans l’expression de sa physionomie ; malheureuse femme, quel peut être son projet ?… Je l’ignore, et cependant je tremble !


XXVII


Athénaïs Thibaut, épouse séparée de maître Thibaut, occupait, au premier étage d’une maison de la rue Monthabor, un vaste appartement, dont la chambre à coucher communiquait par un escalier de dégagement intérieur avec l’entre-sol, qui pouvait ainsi, au gré des locataires de l’appartement supérieur, devenir l’une de ses dépendances ; cet entre-sol avait été meublé, avec plus de luxe que de goût, par madame Thibaut, à l’intention de Maurice Dumirail, qu’elle hébergeait, puisqu’en effet il vivait aux dépens de cette créature. La chute est ignoble. Nos lecteurs trouveront peut-être que Maurice est tombé bien bas. Nous répondrons, au nom de l’inexorable logique des caractères et du fatal enchaînement des faits, qu’il faudrait plutôt s’étonner de ce que Maurice n’ait encore descendu que les premiers échelons de cette échelle d’infamie qui plonge dans les abîmes sans fond de l’opprobre, du vice et du crime. Quelques instants de réflexion, si notre espérance n’est pas trompée, suffiront à convaincre le lecteur que Maurice Dumirail devait forcément, un peu plus tôt, un peu plus tard, par des transitions plus ou moins brusques, déchoir jusqu’à une complète dégradation. D’abord altéré, puis émoussé par l’influence corruptrice de madame de Hansfeld et par l’habitude des préméditations du parricide véniel, le sens moral de Maurice s’oblitère absolument lors de la mort de sa mère ; les regrets qu’il éprouve de la perdre s’éva-