avec un involontaire accent de convoitise. — Cette offre est sérieuse ?
— Oui, — répond Jeane d’une voix sévère, — cette offre est sérieuse, comme toutes les promesses d’un honnête homme.
— Mais nous sommes sauvés, alors !
— Explique-toi, Maurice.
— Si nous parvenons à gagner Genève, tu écriras aussitôt à d’Otremont.
— Afin de lui demander la somme en question ?
— Sans doute.
— Maurice, tu as témoigné tout à l’heure d’une louable sincérité, premier pas vers des pensées meilleures. Auras-tu le courage d’être encore sincère ?
— En quoi, sincère ?
— Tu échappes aux poursuites, nous arrivons à Genève ; j’écris à Richard, je lui garantis que, fermement résolu de te réhabiliter, tu en trouves l’occasion ; que l’on t’offre d’entrer dans une maison de commerce d’une ville de Suisse, à la condition d’apporter dans cette industrie un fonds de vingt ou trente mille francs, je suppose. Richard a foi dans ma parole et dans la tienne, il m’envoie cette somme, je te la remets ; quel emploi en feras-tu ?
— Mais… un emploi honorable… et je…
— Sois franc !
— Je t’assure que…
— Sois franc ! interroge-toi, cette fois encore, avec l’inexorable sévérité d’un juge, et réponds… Quel emploi ferais-tu de cette somme ?
Maurice reste pensif et reprend d’une voix sourde :
— Jeane, décidément, je suis un misérable.
— Achève…
— Je m’engagerais par de menteuses promesses à faire un honorable usage du prêt de d’Otremont, et, au mépris de ma promesse, j’irais aussitôt dans une ville de jeu, espérant doubler la somme, à moins que, sans tenter le sort, je ne la dissipe jusqu’au dernier sou. Je suis, te dis-je, gangrené jusqu’à la moelle des os. Jamais plus qu’à cette heure, je n’ai eu conscience de mon abjection.
— Courage, Maurice, courage, — reprend Jeane, de qui l’accent, jusqu’alors froid et dur, se détend et se nuance d’attendrissement ; — combien je te sais gré de ta franchise !
— Elle n’augmente pas ton mépris à mon égard ?
— Loin de là !… je sens renaître ma confiance en toi ; non,