Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/37

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ni plus ni moins que le troupeau appartient à son maître ; le tout au nom du Franc conquérant du Gaulois. Ceci a duré jusqu’à la révolution que vous avez vue, grand-père ; et vous vous rappelez la différence énorme qu’il y avait encore à cette époque entre un noble et un roturier, entre un seigneur et un manant.

— Parbleu… la différence du maître à l’esclave.

— Ou, si vous l’aimez mieux, du Franc au Gaulois, grand-père.

— Mais, c’est-à-dire, — s’écria le vieillard, — que je ne suis plus du tout, mais du tout, fier d’être Français… Mais, nom d’un petit bonhomme, comment se fait-il que nos pères les Gaulois se sont ainsi laissé martyriser par une poignée de Francs, non… de cosaques, pendant des siècles ?

— Ah ! grand-père ! ces Francs possédaient la terre qu’ils avaient volée, donc, ils possédaient la richesse. L’armée, très-nombreuse, se composait de leurs bandes impitoyables ; puis, à demi épuisés par leur longue lutte contre les Romains, nos pères eurent bientôt à subir une terrible influence : celle des prêtres…

— Il ne leur manquait plus que cela pour les achever !

— À leur honte éternelle, la plupart des évêques gaulois ont, dès la conquête, renié leur pays et fait cause commune avec les rois et les seigneurs francs, qu’ils ont bientôt dominés par la ruse et la flatterie, et dont ils ont tiré le plus de terre et le plus d’argent possible. Aussi, de même que les conquérants, grand nombre de ces saints prêtres, ayant des serfs qu’ils vendaient et exploitaient, vivaient dans la plus horrible débauche, dégradaient, tyrannisaient, abrutissaient à plaisir les populations gauloises, leur prêchant la résignation, le respect, l’obéissance envers les Francs, menaçant du diable et de ses cornes les malheureux qui auraient voulu se révolter pour l’indépendance de la patrie contre ces seigneurs et ces rois étrangers qui ne devaient leur pouvoir et leurs richesses qu’à la violence, au vol et au meurtre (C).

— Ah çà, mais, nom d’un petit bonhomme, est-ce que, malgré ces