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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/38

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diables d’évêques, notre bonne vieille petite mère l’insurrection n’est pas venue de temps à autre montrer le bout de son nez ? Est-ce que nos pères se sont laissé tondre sans regimber, depuis l’époque de la conquête jusqu’à ces beaux jours de la révolution, où nous avons commencé à faire rendre gorge à ces seigneurs, à ces rois francs et à leur allié le clergé, qui, par habitude, avait continué de fièrement s’arrondir ?

— Il n’est pas probable que tout se soit passé sans nombreuses révoltes des serfs contre les rois, les seigneurs et les prêtres. Mais, grand-père, je vous ai dit le peu que je savais… et ce peu-là, je l’ai appris tout en travaillant à la menuiserie du magasin de monsieur Lebrenn, le marchand de toile d’en face…

— Comment donc cela, mon garçon ?

— Pendant que j’étais à l’ouvrage, monsieur Lebrenn, qui est le meilleur homme du monde, causait avec moi…… me parlait de l’histoire de nos pères, que j’ignorais comme vous l’ignoriez. Une fois ma curiosité éveillée… et elle était vive…

— Je le crois bien…

— Je faisais mille questions à monsieur Lebrenn, tout en rabottant et en ajustant ; il me répondait avec une bonté vraiment paternelle. C’est ainsi que j’ai appris le peu que je vous ai dit. Mais… — ajouta Georges avec un soupir qu’il put à peine étouffer, — mes travaux de menuiserie finis… les leçons d’histoire ont été interrompues. Aussi, je vous ai dit tout ce que je savais, grand-père.

— Ah ! le marchand de toile d’en face est si savant que ça ?

— Il est aussi savant que bon patriote ; c’est un vieux Gaulois, comme il s’appelle lui-même. Et quelquefois, — ajouta Georges sans pouvoir s’empêcher de rougir légèrement, — je l’ai entendu dire à sa fille, en l’embrassant avec fierté pour quelque réponse qu’elle lui avait faite : Oh ! toi… tu es bien une vraie Gauloise !

À ce moment, le père Morin et Georges entendirent frapper à la porte de la première chambre.