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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/105

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dernier mot… Ces droits si justes que nous réclamons pour nos frères, il faudra, comme toujours, les conquérir par la force, par les armes…

— Je le crois, mon ami.

— Aussi, — reprit le marchand, — cette nuit, des barricades… demain, au point du jour, la bataille… Voilà pourquoi j’ai été chercher notre fils à son école… M’approuves-tu ?… Veux-tu qu’il reste ?

— Oui ! — reprit madame Lebrenn ; — la place de ton fils est à tes côtés…

— Oh ! merci, mère ! — s’écria le jeune homme en sautant au cou de madame Lebrenn, qui le serra contre son sein.

— Vois donc, mon père, — dit Velléda au marchand avec un demi-sourire en montrant Sacrovir du regard ; — il est aussi content que si on lui donnait congé…

— Mais, dis-moi, mon ami, — reprit madame Lebrenn en s’adressant au marchand, — la barricade où, toi et mon fils, vous vous battrez… sera-t-elle près d’ici ? dans cette rue ?

— À notre porte… — répondit M. Lebrenn. — C’est convenu… Nos amis me gâtent.

— Ah ! tant mieux ! — dit madame Lebrenn ; — nous serons là… près de vous.

— Ma mère, — reprit Velléda, — ne nous faudra-t-il pas cette nuit préparer du linge ?… de la charpie ?… Il y aura beaucoup de blessés.

— J’y pensais, mon enfant. Notre magasin servira d’ambulance.

— Oh ! ma mère !… ma sœur !… — s’écria le jeune homme, — nous battre… sous vos yeux, pour la liberté !… Quelle ardeur cela donne !… Hélas ! — ajouta-t-il après un instant de réflexion, — pourquoi faut-il que ce soit entre frères… qu’on se batte ?…

— Cela est triste, mon enfant, — répondit en soupirant M. Lebrenn. — Ah ! que le sang versé dans cette lutte fratricide retombe sur ceux-là qui forcent un peuple à revendiquer ses droits par les armes…