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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/156

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La physionomie de madame Lebrenn était pensive et triste ; telle eût été sans doute aussi l’expression des traits de sa fille, alors dans tout l’éclat de sa beauté, si à ce moment elle n’avait doucement souri à son petit enfant qui lui riait.

Georges, un instant distrait, de son travail par ce rire enfantin, contemplait ce groupe maternel avec un ravissement inexprimable.

On sentait vaguement qu’un chagrin, pour ainsi dire de tous les instants, pesait sur une famille si tendrement unie ; c’est qu’en effet il ne se passait pour ainsi dire pas d’heure où l’on ne se souvînt avec amertume que le chef si aimé, si vénéré de cette famille lui manquait…

Disons en quelques mots comment le fils et le gendre de M. Lebrenn n’avaient pas imité sa conduite lors de l’insurrection du mois de juin 1848, et conséquemment partagé son sort.

Vers le commencement de ce mois, madame Lebrenn, se rendant en Bretagne, afin d’y faire différentes emplettes de toile, et d’y voir quelques personnes de sa famille, était partie accompagnée de sa fille et de son gendre, voyage de plaisir pour les deux jeunes mariés. Sacrovir Lebrenn était, de son côté, allé à Lille pour les intérêts du commerce de son père. Il devait revenir à Paris avant le départ de sa mère ; mais, retenu en province par quelques affaires, il apprit, lors de son retour à Paris, l’arrestation de son père, alors prisonnier au fort de Vanves, comme insurgé.


À cette funeste nouvelle, madame Lebrenn, sa fille et Georges étaient en toute hâte revenus de Bretagne.


Est-il besoin de dire que M. Lebrenn reçut dans sa prison toutes les consolations que la tendresse et le dévouement de sa famille pouvaient lui offrir ? Sa condamnation prononcée, sa femme et ses enfants voulurent le suivre et aller s’établir à Rochefort, afin d’habiter au moins la même ville que lui, et de le voir souvent ; mais il s’opposa formellement à cette résolution pour plusieurs motifs de convenance et d’intérêts de famille ; puis enfin son principal argument contre un