Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/185

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trouve-t-il pas de place ? Cependant, emporté, lorsque je lus cet article, par les préoccupations d’un républicain actif, j’en méditai peu les détails, je ne fis que les déposer, en quelque sorte, bruts, dans mon sein ; mais depuis que, ramassé blessé dans la rue, j’habitais une chambre de prison avec l’échafaud en perspective, je les avais tirés de la place où je les gardais en réserve comme une dernière richesse dont il m’importait de connaître enfin toute la valeur… et c’est ce qui vint naturellement se présenter à ma pensée au moment où je veillais, victime déjà liée pour le bourreau (on avait eu l’infamie de mettre à Barbès la camisole de force des condamnés à mort)… où je veillais la solennelle nuit de la mort…

» Que Jean Raynaud, l’éloquent encyclopédiste, me pardonne, si je changeai en un plomb vil, pour le besoin du moment, l’or pur de sa haute métaphysique ; mais voici comment, après m’être confirmé par quelques raisonnements préliminaires ma croyance à l’immortalité de l’âme, il m’a semblé voir se dérouler une sublime échelle de Jacob, dont le pied s’appuyait sur la terre pour monter vers le ciel, sans finir jamais, d’astre en astre, de sphère en sphère ! La terre, cette petite planète, où je venais de passer trente ans, me parut un des lieux innombrables où l’homme fait sa première étape dans la vie… d’où il commence à monter devant Dieu ; et lorsque le phénomène que nous appelons la mort s’accomplit, l’homme, emporté par l’attraction du progrès, va renaître dans un astre supérieur avec un nouvel épanouissement de son être… »

— Vous voyez, mes enfants, quelle force d’âme peut donner le dogme de la perpétuité dans la vie. Imitons donc nos aïeux dans leurs croyances, et conservons comme eux notre nom, notre langue, notre foi.

— À cet engagement nous ne faillirons pas, mon père ! — répondit Velléda.

— Nous ne montrerons ni moins de courage ni moins de per-