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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/190

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« Citoyens administrateurs,

» Jusques à quand souffrirez-vous que nous portions encore l’infâme nom de Français ? Tout ce que la démence a de faiblesse, tout ce que l’absurdité a de contraire à la raison, tout ce que la turpitude a de bassesse, ne sont pas comparables à notre manie de nous couvrir de ce nom. Quoi ! une troupe de brigands (les Francs conquérants) vient nous ravir tous nos biens, nous soumet à ses lois, nous réduit à la servitude, et pendant quatorze siècles ne s’attache qu’à nous priver de toutes les choses nécessaires à la vie, à nous accabler d’outrages, et lorsque nous brisons nos fers, nous avons encore l’extravagante bassesse de continuer à nous appeler comme eux ! Sommes-nous donc descendants de leur sang impur ? à Dieu ne plaise, Citoyens, nous sommes du sang pur des Gaulois ! Chose plus qu’étonnante, Paris est une pépinière de savants, Paris a fait la révolution, et pas un de ces savants n’a encore daigné nous instruire de notre origine, quelque intérêt que nous ayons à la connaître.

»… Souffrirez-vous, Citoyens, que nous ayons fait la révolution pour faire honneur de notre courage à nos ennemis de quatorze siècles ? aux bourreaux de nos ancêtres ? Non sans doute, et vous recourrez avec moi à l’autorité de la Convention nationale afin qu’elle nous rende le nom de Gaulois, etc., etc.             Signé, Ducalle. »

— Cela me rappelle mon pauvre grand-père, — reprit Georges en souriant, — me disant qu’il n’était plus fier du tout d’être Français depuis qu’il savait porter le nom des barbares, des cosaques, qui nous avaient dépouillés et asservis.

— Moi, je conçois parfaitement, — reprit Sacrovir, — que l’on revendique ce vieux et illustre nom de Gaule pour notre pays !

— Certes, — reprit M. Lebrenn, — la république gauloise sonnerait non moins bien à mes oreilles que la république française ; mais, d’abord, notre première et immortelle république a, ce me semble, suffisamment purifié le nom français de ce qu’il avait de monarchique en le portant si haut et si loin en Europe ; et puis, voyez-vous, mes