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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/20

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— Bien ; mais dépêchez-vous, car madame peut descendre et monsieur rentrer d’un moment à l’autre.

— Écoutez bien, Jeanike.

Et Gildas commença ce récit non précisément chanté, mais psalmodié d’un ton grave et mélancolique :

Les Trois Moines rouges

« Je frémis de tous mes membres en voyant les douleurs qui frappent la terre.

» En songeant à l’événement qui vient encore d’arriver dans la ville de Kemper il y a un an. Katelik cheminait en disant son chapelet, quand trois moines rouges (templiers), armés de toutes pièces, la joignirent.

» Trois moines sur leurs grands chevaux bardés de fer de la tête aux pieds.

» — Venez avec nous au couvent, belle jeune fille ; là ni l’or ni l’argent ne vous manqueront.

» — Sauf votre grâce, messeigneurs, ce n’est pas moi qui irai avec vous, dit Katelik ; j’ai peur de vos épées qui pendent à votre côté. Non, je n’irai pas, messeigneurs : on entend dire de vilaines choses.

» — Venez avec nous au couvent, jeune fille, nous vous mettrons à l’aise.

» — Non, je n’irai point au couvent. Sept jeunes filles de la campagne y sont allées, dit-on ; sept belles jeunes filles à fiancer, et elles n’en sont point sorties.

» — S’il y est entré sept jeunes filles, s’écria Gonthramm de Plouernel, un des moines rouges, vous serez la huitième.

» Et de la jeter à cheval et de s’enfuir rapidement vers leur couvent avec la jeune fille en travers à cheval, un bandeau sur la bouche. »

— Ah ! la pauvre chère enfant ! s’écria Jeanike en joignant les mains. Et que va-t-elle devenir dans ce couvent des moines rouges ?