Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/219

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— L’ange de la mort m’appelle… je vais aller continuer de vivre ailleurs… Ma mère et mon père seront surpris et contents de me revoir si tôt… Moi aussi, je serai content de les revoir…

Et il ajouta d’un ton de regret :

— J’aurais pourtant bien voulu entendre les beaux récits du voyageur…

— Quoi ! frère Armel, — reprit Julyan d’un air véritablement surpris et peiné, — tu partirais sitôt d’ici ? Nous nous plaisions pourtant bien ensemble… Nous nous étions juré notre foi de saldunes de ne jamais nous quitter.

— Nous nous étions juré cela, Julyan ? — reprit faiblement Armel. — Il en est autrement…

Julyan appuya son front dans ses deux mains et ne répondit rien.

Mamm’Margarid, savante en l’art de soigner les blessures, qu’elle avait appris d’une druidesse sa parente, posa la main sur le cœur d’Armel. Après quelques instants, elle dit à ceux qui étaient là et qui, de même que Joel et son hôte, entouraient le blessé :

Teutâtès appelle Armel pour le conduire là où sont ceux qui nous ont devancés ; il ne va pas tarder à s’en aller. Que ceux de nous qui ont à charger Armel de paroles pour les êtres qui nous ont précédés et qu’il va retrouver ailleurs… se hâtent.

Alors Mamm’Margarid, baisant au front celui qui allait mourir, lui dit :

— Tu donneras à tous ceux de notre famille le baiser de souvenir et d’espérance. Demain des lettres seront déposées pour eux sur ton bûcher.

— Je leur donnerai pour vous le baiser de souvenir et d’espérance, Mamm’Margarid, — répondit Armel d’une voix faible. — Et il ajouta d’un air toujours contrarié : — J’aurais pourtant bien aimé à entendre les beaux récits du voyageur…

Ces paroles parurent faire réfléchir Julyan, qui soutenait toujours la tête de son ami, et le regardait d’un air triste.