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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/226

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» Albrège ! Albrège ! tu disais vrai… tu m’as été fidèle.

Mais Albrège, repoussant son mari d’un geste, lui répondit fièrement : — Certaine de mon honneur, je n’ai pas craint l’épreuve.. J’étais tranquille sur le sort de mon enfant ; les dieux ne pouvaient punir une mère innocente par la perte de son fils… Mais… femme soupçonnée, femme outragée… je garderai mon enfant ; tu ne nous verras plus, ni lui, ni moi… toi qui as douté de l’honneur de ton épouse !

À ce moment, on rapportait en triomphe l’enfant… Sa mère se jeta sur lui, de même qu’une lionne sur son petit, l’enserra passionnément entre ses bras ; et autant elle avait été jusque-là calme et assurée, autant elle fut violente dans les embrassements dont elle couvrit son enfant, qu’elle emporta en se sauvant comme avec une proie.

— Ah ! c’était une vraie Gauloise que celle-là ! — dit la femme de Guilhern. — Femme soupçonnée… femme outragée… ces mots sont fiers… je les aime !

— Mais, — reprit Joel, — cette épreuve est donc une coutume des Gaulois des bords du Rhin ?

— Oui, — répondit l’inconnu. — Le mari qui soupçonne sa femme d’avoir déshonoré son lit met l’enfant qui naît d’elle sur un bouclier, et l’expose au courant du fleuve… Si l’enfant surnage, l’innocence de la femme est prouvée ; s’il s’abîme dans les flots, le crime de la mère est avéré…

— Et cette vaillante épouse, ami hôte, — demanda Hénory, femme de Guilhern, — comment était-elle vêtue ? Portait-elle des tuniques semblables aux nôtres ?

— Non, — dit l’étranger ; — leur tunique est très-courte et de deux couleurs : le corsage bleu, je suppose, et la jupe rouge ; souvent elle est brodée d’or ou d’argent.

— Et les coiffes, — demanda une jeune fille, — sont-elles blanches et carrées comme les nôtres ?