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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/234

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CHAPITRE IV.


Le voyageur fait le récit qui doit tomber comme de l’airain brûlant sur le cœur de Joel, assez insensé pour avoir répondu qu’il y avait loin de la Touraine à la Bretagne. — Joel commence d’autant mieux à comprendre l’utilité de cette leçon, que soudain ses deux fils, Mikael, l’armurier, et Albinik, le marin, arrivant d’Auray au milieu de la nuit, apportent de redoutables nouvelles.




Le voyageur, d’un air sombre et sévère, commença son récit en ces termes :

« Depuis deux ou trois mille ans, peut-être, une famille vit ici, en Gaule. D’où est-elle venue, cette famille, pour occuper la première ces grandes solitudes aujourd’hui si peuplées ? Sans doute elle était venue du fond de l’Asie, cet antique berceau des races humaines, aujourd’hui caché dans la nuit des temps. Cette famille a toujours conservé un caractère qui lui est propre et ne se retrouve chez aucun autre peuple du monde ; loyale, hospitalière, généreuse, vive, gaie, railleuse, aimant à conter et surtout à entendre raconter, intrépide dans le combat, bravant la mort plus héroïquement qu’aucune nation, parce qu’elle sait, par sa religion, ce que c’est que la mort… Voilà les qualités de cette famille. Étourdie, vagabonde, présomptueuse, inconstante, curieuse de toute nouveauté,