Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/236

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taines ne nous ont-elles pas échappé ? Les Romains, nos ennemis implacables et toujours grandissant, n’ont-ils pas soulevé tous les peuples contre nous ? n’avons-nous pas été obligés d’abandonner ces possessions inutiles : l’Asie, la Grèce, l’Allemagne, l’Italie ? Voilà donc le fruit de tant d’héroïsme, de tant de sang versé ? Voilà donc où nous avait conduits l’ambition des rois usurpateurs du pouvoir des druides !

— À cela je n’ai rien à répondre. Tu as raison, il n’était pas besoin de nous aller promener si loin pour ne rapporter à nos semelles que du sang et de la poussière des pays étrangers. Mais, si je ne me trompe, vers ces temps-là, les fils du brave Ritha-Gaür, qui s’est fait une blouse avec la barbe des rois qu’il a rasés, voyant dans ceux-ci les bouchers du peuple et non ses pasteurs, ont mis bas les royautés ?

— Oui, grâce aux dieux, une époque de vraie grandeur, de paix, de prospérité, a succédé aux conquêtes stériles et sanglantes des royautés. Débarrassée de ses inutiles possessions, réduite à de sages limites, ses frontières naturelles, le Rhin, les Alpes, les Pyrénées, l’Océan, la république des Gaules a été la reine et l’envie du monde. Son sol fertile, cultivé comme nous savons le cultiver, produisait tout avec abondance ; les rivières étaient couvertes de bateaux marchands ; les mines d’or, d’argent, de cuivre, augmentaient chaque jour sa richesse ; de grandes villes s’élevaient de toutes parts. Les druides, répandant partout les lumières, prêchaient l’union aux provinces, et en donnaient l’exemple en convoquant, une fois par an, dans le pays chartrain, centre des Gaules, une assemblée solennelle, où se traitaient les intérêts généraux du pays. Chaque tribu, chaque canton, chaque cité, nomment leurs magistrats ; chaque province était une république, qui, selon la pensée des druides, venait se fondre dans la grande république des Gaules, et ne faire ainsi qu’un seul corps tout-puissant par son union.

— Les pères de nos grands-pères ont encore vu cet heureux temps-là, ami hôte !