Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/242

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— Et la cause de cette colère, mes enfants ? — demanda Mamm’Margarid en filant sa quenouille.

— Quatre officiers romains, sans autre escorte que quelques soldats, et aussi tranquillement insolents que s’ils étaient en un pays d’esclaves, sont venus, hier, commander aux magistrats de la ville d’envoyer des ordres à toutes les tribus voisines, afin qu’elles envoient à Vannes dix mille sacs de blé…

— Et puis, mon fils ? — demanda Joel en riant et haussant les épaules.

— Cinq mille sacs d’avoine.

— Et puis ?

— Cinq cents tonneaux d’hydromel.

— Naturellement, — dit le brenn en riant plus fort, — il faut boire… et puis ?

— Mille bœufs.

— Et des plus gras, nécessairement… Ensuite ?

— Cinq mille moutons.

— C’est juste, l’on se rassasie de manger toujours du bœuf. Est-ce tout, mes enfants ?

— Ils demandent encore trois cents chevaux pour remonter la cavalerie romaine, et deux cents chariots de fourrage.

— Pourquoi non ? Il faut bien les nourrir ces pauvres chevaux, — reprit Joel en continuant de railler. — Mais il doit y avoir encore quelque commande ? Dès que l’on ordonne, pourquoi s’arrêter ?

— Il faudra ensuite charroyer ces approvisionnements jusqu’en Poitou et en Touraine.

— Et quelle grand-gueule doit avaler ces sacs de blé, ces moutons, ces bœufs et ces tonnes d’hydromel ?

— Et surtout, — ajouta l’inconnu, — qui doit payer ces approvisionnements ?

— Les payer, — reprit Albinik, — personne ! c’est un impôt forcé.