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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/266

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Et le barde continua en se tournant vers le bûcher :

« — Daoülas, tu vas donc mourir ! Si elle est glorieuse à voir, la figure des justes et des vaillants, au moment où ils s’en vont volontairement de ce monde pour des causes saintes ; s’ils aiment, au moment du départ, à rencontrer les tendres regards d’adieu de leurs parents et de leurs amis, les lâches comme toi, Daoülas, sont indignes de voir une dernière fois la foule des justes et d’en être vus… Voici pourquoi, Daoülas, tu vas mourir et brûler caché au fond de cette enveloppe d’osier, simulacre d’un homme, de même que tu n’es plus que le simulacre d’un homme depuis ton crime…

Et le barde s’écria :

« — Au nom de Hésus ! au nom de Teutâtès !… gloire ! gloire aux braves !… Honte ! honte aux lâches !…

Et tous les bardes, faisant résonner leurs harpes et leurs cymbales, s’écrièrent en chœur :

« — Gloire ! gloire aux braves !… Honte ! honte aux lâches !…

Alors un ewagh prit le couteau sacré, trancha la vie du meurtrier, qui fut ensuite jeté dans le gigantesque simulacre de figure humaine. Le bûcher s’embrasa ; les harpes, les cymbales retentirent à la fois, et toutes les tribus répétèrent à grands cris les derniers mots du barde :

« — Honte au lâche !…

Le bûcher du meurtrier ne fut bientôt plus qu’une fournaise où apparut un moment la forme humaine comme un géant de feu, la flamme jeta au loin ses clartés sur la cime des grands chênes de la forêt… sur les pierres colossales de Karnak… sur la mer immense, pendant que la lune inondait l’espace de sa divine lumière… Et au bout de peu d’instants, à la place du bûcher de Daoülas, il ne resta qu’un monceau de cendres…

Alors on vit Julyan monter d’un air joyeux sur le bûcher où était étendu le corps d’Armel, son ami… son saldune… Julyan portait ses habits de fête : une saie de fine étoffe rayée de bleu et de