Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/286

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risse sa liberté ! périssent ceux de mon peuple, pourvu que je sois vengé du chef des cent vallées !… Pour cela je donnerais avec joie les membres qu’il m’a laissés. Voilà pourquoi je suis ici avec ma compagne. Partageant ma honte, elle partage ma haine. Cette haine nous l’offrons à César ; qu’il en use à son gré, qu’il nous éprouve ; notre vie répond de notre sincérité… Quant aux récompenses, nous n’en voulons pas.

— La vengeance… voilà ce qu’il nous faut, — ajouta Méroë.

— En quoi pourrais-tu servir César contre le chef des cent vallées ? — a dit l’interprète à Albinik.

— J’offre à César de le servir comme marin, comme soldat, comme guide, comme espion même, s’il le veut.

— Pourquoi n’as-tu pas cherché à tuer le chef des cent vallées… pouvant approcher de lui dans le camp gaulois ? — dit l’interprète au marin. — Tu te serais ainsi vengé.

— Aussitôt après la mutilation de mon époux, — reprit Méroë, — nous avons été chassés du camp : nous ne pouvions y rentrer.

L’interprète s’entretint de nouveau avec le général romain, qui, tout en écoutant, ne cessait de vider sa coupe et de poursuivre Méroë de ses regards audacieux.

— Tu es marin, dis-tu ? — reprit l’interprète ; — tu commandais un vaisseau de commerce ?

— Oui.

— Et… es-tu bon marin ?

— J’ai vingt-huit ans ; depuis l’âge de douze ans je voyage sur mer ; depuis quatre ans je commande un vaisseau.

— Connais-tu bien la côte depuis Vannes jusqu’au canal qui sépare la Grande-Bretagne de la Gaule ?

— Je suis du port de Vannes, près de la forêt de Karnak. Depuis plus de seize ans je navigue continuellement sur ces côtes…

— Serais-tu bon pilote ?

— Que je perde les membres que m’a laissés le chef des cent val-