Un moment interdit, le Romain porta ses deux mains sur son cœur, comme pour protester de son adoration ; la Gauloise répondit à ce langage muet par un éclat de rire si méprisant que César, ivre de convoitise, de vin et de colère, parut dire :
— J’ai offert des richesses, j’ai supplié ; tout a été vain ; j’emploierai la force…
Seule, désarmée, persuadée que ses cris ne lui attireraient aucun secours, l’épouse d’Albinik sauta sur le lit, saisit le long cordon qui servait à rapprocher les draperies, le noua autour de son cou, monta sur le chevet, prête à se lancer dans le vide et à s’étrangler par la seule pesanteur de son corps au premier mouvement de César ; celui-ci vit une résolution si désespérée sur les traits de Méroë qu’il resta immobile ; et, soit remords de sa violence, soit certitude, s’il employait la force, de n’avoir en sa possession qu’un cadavre, soit enfin, ainsi que le fourbe le prétendit plus tard, qu’une arrière-pensée, presque généreuse, l’eût guidé, il se recula de quelques pas et leva la main au ciel comme pour prendre les dieux à témoin qu’il respecterait sa prisonnière. Celle-ci, défiante, resta toujours prête à se donner la mort. Alors le Romain se dirigea vers la secrète ouverture de la tente, disparut un moment dans les ténèbres, donna un ordre à haute voix, et rentra bientôt, se tenant assez éloigné du lit, les bras croisés sur sa toge. Ignorant si le danger qu’elle courait n’allait pas encore augmenter, Méroë demeurait debout au chevet du lit, la corde au cou. Mais, au bout de quelques instants, elle vit entrer l’interprète accompagné d’Albinik, et d’un bond fut auprès de lui.
— Ton épouse est une femme de mâle vertu ! — lui dit l’interprète. — Vois à ses pieds ces trésors ! elle les a repoussés… L’amour du grand César… elle l’a dédaigné. Il a feint de vouloir recourir à la violence. Ta compagne, désarmée par ruse, était prête à se donner la mort… Ainsi elle est glorieusement sortie de cette épreuve.
— Une épreuve ?… — reprit Albinik d’un air de doute sinistre, —