chant de guerre des marins bretons, comme si le vent avait pu porter ces paroles de défi et de mort sur le rivage où était César :
« Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
» Comme j’étais couché dans mon vaisseau, j’ai entendu l’aigle de mer appeler au milieu de la nuit — Il appelait ses aiglons et tous les oiseaux du rivage, — Et il leur disait en les appelant : — Levez-vous tous… venez… venez… — Non, ce n’est plus de la chair pourrie de chien ou de brebis qu’il nous faut… c’est de la chair romaine.
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
» Vieux corbeau de mer, dis-moi, que tiens-tu là ? — Moi, je tiens la tête du chef romain ; je veux avoir ses deux yeux.. ses deux yeux rouges… — Et toi, loup de mer, que tiens-tu là ? — Moi, je tiens le cœur du chef romain, et je le mange ! — Et toi, serpent de mer, que fais-tu là, roulé autour de ce cou, et ta tête plate si près de cette bouche, déjà froide et bleue ? — Moi, je suis ici pour attendre au passage l’âme du chef romain.
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn !
Méroë, exaltée par ce chant de guerre, ainsi que son époux, a, comme lui, répété, en semblant défier César, dont on voyait au loin la tente :
» Tor-è-benn ! Tor-è-benn ! Tor-è-benn ! »
Et toujours la barque d’Albinik et de Méroë, se jouant des écueils et des vagues, au milieu de ces dangereux parages, tantôt s’éloignait, tantôt se rapprochait du rivage.
— Tu es le meilleur et le plus hardi pilote que j’aie rencontré, moi, qui dans ma vie ai tant voyagé sur mer, — fit dire César à Albinik, lorsqu’il eut regagné la terre et débarqué avec Méroë. — Demain, si le temps est favorable, tu guideras une expédition dont tu sauras le but au moment de mettre en mer.