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milier nos antiquités nationales devant celles de ces peuples, nous n’eussions voulu relever que d’elles seules. (Jean Raynaud, article Druidisme, page 405, Encyclopédie nouvelle.) Nous aurons souvent occasion de citer l’autorité si imposante de notre illustre et excellent ami Jean Raynaud.

(B) C’est surtout pour nos frères du peuple et de la bourgeoisie que nous écrivons cette histoire sous une forme que nous tâchons de rendre amusante. Nous les supplions donc de lire ces notes, qui sont, pour ainsi dire, la clef de ces récits et qui prouvent que sous la forme romanesque se trouve la réalité historique la plus absolue.

Voici quelques extraits des historiens anciens et modernes qui établissent, quoique à différents points de vue, qu’il y a toujours eu parmi nous deux races : les conquérants et les conquis.

Une chronique de 1119, citée dans l’excellent ouvrage d’Augustin Thierry (Hist. des Temps mérovingiens, v. I, p. 47), s’exprime ainsi en parlant de la Gaule :

« De là vient qu’aujourd’hui cette nation appelle Francs dans sa langue ceux qui jouissent d’une pleine liberté ; et quant à ceux qui, parmi elle, vivent dans la condition de tributaires, il est clair qu’ils ne sont pas Francs par droit d’origine, mais que ce sont des fils de Gaulois assujettis aux Francs par droit de conquête. »

Maître Charles Loyseau (Traité des charges de la Noblesse, 1701, p. 24) dit à son tour :

« Pour le regard de nos François, lorsqu’ils conquestèrent les Gaules, c’est chose certaine qu’ils se firent seigneurs des biens et des personnes d’icelles ; j’entends seigneurs parfaits, tant en la seigneurie publique qu’en la seigneurie privée. Quant aux personnes, ils firent les Gaulois serfs. »

Plus tard, le comte de Boulainvilliers, un des plus fiers champions de l’aristocratie et de la royauté française, écrivait (Histoire de l’ancien gouvernement de France, p. 21 à 57, citée par A. Thierry) :

« Les Français conquérants des Gaules y établirent leur gouvernement tout à fait à part de la nation subjuguée. Les Gaulois devinrent sujets, les Français furent maîtres et seigneurs. Depuis la conquête, les Français originaires ont été les véritables nobles et les seuls capables de l’être, et jouissaient, à raison de cette noblesse, d’avantages réels, qui étaient l’exemption de toutes charges pécuniaires, l’exercice de la justice sur les Gaulois, etc., etc. »

Plus tard encore, Sieyès, dans sa fameuse brochure : Qu’est-ce que le Tiers-État ? qui sonna le premier coup de tocsin contre la royauté de 89, disait :

« Si les aristocrates entreprennent, au prix même de cette liberté dont ils se montrent indignes, de retenir le peuple dans l’oppression, le tiers-état osera demander à quel titre ; si on lui répond à titre de conquête, il faut en convenir, ce sera remonter un peu haut ; mais le tiers-état ne doit pas craindre de remonter dans les temps passés. Pourquoi ne renverrait-il pas dans les forêts de la Germanie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants, et d’avoir succédé à leurs droits de conquête ? La nation épurée alors pourra se consoler, je pense, d’être réduite à ne plus se croire composée que des descendants des Gaules. »

Enfin, M. Guizot, sous la dernière année de la restauration, écrivait ces éloquentes paroles :

« La révolution de 89 a été une guerre, la vraie guerre, telle que le monde la connaît, entre peuples étrangers. Depuis plus de treize cents ans, la France contenait deux peuples : un peuple vainqueur et un peuple vaincu. Depuis plus de treize cents ans le peuple vaincu luttait pour secouer le joug du peuple vainqueur. Notre histoire est l’histoire de cette lutte. De nos jours une bataille décisive a été livrée ; elle s’appelait la révolution. Francs et Gaulois, seigneurs et paysans, nobles et rotu-