Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— La division s’est mise dans la Gaule, les provinces se sont soulevées les unes contre les autres…

— Ah ! voilà toujours le mal… c’est à cela que les prêtres et les royalistes ont tant poussé lors de la révolution…

— Aussi, grand-père, est-il arrivé à la Gaule, il y a des siècles, ce qui est arrivé à la France en 1814 et en 1815 !

— Une invasion étrangère !

— Justement. Les Romains, autrefois vaincus par Brennus, étaient devenus puissants. Ils ont profité des divisions de nos pères, et ont envahi le pays…

— Absolument comme les Cosaques et les Prussiens nous ont envahis ?

— Absolument. Mais ce que les rois cosaques et prussiens, les bons amis des Bourbons, n’ont pas osé faire, non que l’envie leur en ait manqué, les Romains l’ont fait, et malgré la résistance héroïque de nos pères, toujours braves comme des lions, mais malheureusement divisés, ils ont été réduits en esclavage, comme le sont aujourd’hui les nègres des colonies.

— Est-il Dieu possible !

— Oui. Ils portaient le collier de fer, marqué au chiffre de leur maître, quand on ne marquait pas ce chiffre au front de l’esclave avec un fer rouge…

— Nos pères ! — s’écria le vieillard en joignant les mains avec une douloureuse indignation, — nos pères !

— Et quand ils essayaient de fuir, leurs maîtres leur faisaient couper le nez et les oreilles, ou bien les poings et les pieds.

— Nos pères !!!

— D’autres fois leurs maîtres les jetaient aux bêtes féroces pour se divertir, ou les faisaient périr dans d’affreuses tortures, quand ils refusaient de cultiver, sous le fouet du vainqueur, les terres qui leur avaient appartenu…

— Mais attends donc, — reprit le vieillard en rassemblant ses sou-