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CHAPITRE V.


De l’entretien du cardinal de Plouernel et de son neveu. — Comment son éminence finit par envoyer son neveu à tous les diables. — Ce que vit M. Lebrenn, le marchand de toile, dans un certain salon de l’hôtel de Plouernel, et pourquoi il se souvint d’une abbesse portant l’épée, de l’infortuné Broute-Saule, de la pauvre Septimine la Coliberte, de la gentille Ghiselle la Paonnière, d’Alizon la Maçonne, et autres trépassés des temps passés que l’on rencontrera plus tard.




Le cardinal de Plouernel était un homme de soixante-cinq ans, grand, osseux, décharné. Il offrait, avec la différence de l’âge, le même type de figure que son neveu ; son long cou, son crâne pelé, son grand nez en bec d’oiseau de proie, ses yeux écartés, ronds et perçants, donnaient à ses traits, en les analysant et en faisant abstraction de la haute intelligence qui semblait les animer, donnaient à ses traits, disons-nous, une singulière analogie avec la physionomie du vautour.

Somme toute, ce prêtre, drapé dans sa robe rouge de prince de l’église, devait avoir une physionomie redoutable ; mais pour visiter son neveu il était simplement vêtu d’une longue redingote noire, strictement boutonnée jusqu’au cou.

— Pardon, cher oncle, — dit le colonel en souriant. — Ignorant votre retour, je ne comptais pas sur votre bonne et matinale visite… et…

Le cardinal n’était pas homme à s’étonner de ce qu’un colonel de dragons eût des maîtresses ; aussi lui dit-il de sa voix brève et tranchante :