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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/67

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— Ces niais-là… et je ne les en blâme point, tant s’en faut… ces niais-là ont tourné la cervelle des imbéciles qui les écoutaient. Il n’y a rien de plus bête en soi-même que la poudre à canon, n’est-ce pas ? et ça ne l’empêche point d’éclater ! Eh bien ! ces banqueteurs ont joué avec la poudre. La mine va jouer et faire sauter le trône de ces d’Orléans.

— Cela n’est pas sérieux, mon oncle. Il y a ici cinquante mille hommes de troupes ; si la canaille bougeait, elle serait hachée en morceaux. On est si tranquille sur l’état de Paris, que, malgré l’espèce d’agitation de la journée d’hier, l’on n’a pas seulement consigné les troupes dans les casernes.

— Vraiment ? Ah ! tant mieux, — reprit le cardinal en se frottant les mains. — Si leur gouvernement a le vertige, ces d’Orléans feront plus vite place à la république, et notre tour viendra plus tôt.

Ici l’éminence fut interrompue par deux petits coups frappés à la porte du salon donnant sur le boudoir ; puis à ce bruit succéda le cantilène suivant, toujours sur l’air de la Rifla, chanté extérieurement et piano par Pradeline :

………………………….Pour m’en aller d’ici…
………………………….Il me faut mon bibi,
………………………….Et par occa-si-on
………………………….La béné-dic-ti-on.
……………………La rifla, fla, fla, fla, la rifla, etc., etc.

— Ah ! mon oncle, — dit le colonel avec colère, — méprisez, je vous en supplie, les insolences de cette sotte petite fille.

Et, se levant, le comte de Plouernel prit sur un canapé le châle et le chapeau de l’effrontée, sonna brusquement, et, jetant ces objets au valet de chambre qui entra, il lui dit :

— Donnez-lui cela, et faites-la sortir à l’instant.

Puis, revenant auprès de l’éminence, qui était restée impassible, et qui ouvrait en ce moment sa tabatière :

— En vérité, mon oncle, je suis confus. Mais de pareilles drôlesses ne savent rien respecter.