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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/114

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que ses deux enfants observaient l’étranger avec curiosité. Hêna, selon sa coutume, embrassa tendrement son père ; mais Hervé, attachant sur lui un regard timide et repentant, semblait hésiter à suivre l’exemple de sa sœur. L’artisan tendit les bras à son fils, lui jeta un coup d’œil expressif, et lui dit à l’oreille en le serrant contre lui : — Je n’ai pas oublié tes bonnes paroles de tantôt ! — Puis, s’adressant à son hôte, Christian ajouta : — Voilà ma famille… ma fille est broderesse comme sa mère ; mon fils aîné est, ainsi que moi, artisan d’imprimerie chez M. Robert Estienne ; mon second fils, apprenti armurier, voyage en Italie… Grâce à Dieu, nos enfants méritent d’être aimés comme nous les aimons, ma digne femme et moi !…

— Que la bénédiction du ciel continue de s’étendre sur votre famille !… — répondit M. Jean d’une voix affectueuse et grave, pendant qu’Hêna et son frère apportaient sur la table les mets préparés pour le modeste souper.

— Brigitte, — dit Christian, — et ton frère ?

— Je m’étonnais tout à l’heure de son absence, mon ami ; elle m’inquiéterait, si je ne comptais sur la bravoure de mon frère, sur sa grande épée, enfin sur son apparence peu attrayante pour les voleurs de nuit, — ajouta Brigitte en souriant. — Tire-laine ou guilleris n’auraient guère souci à attaquer un franc-taupin… Mettons-nous à table sans lui ; il saura bien, s’il vient souper avec nous, regagner le temps perdu…

Les convives prirent place autour de la table, M. Jean dit à Brigitte, auprès de qui il est assis :

— Il règne dans cette demeure, madame, tant d’ordre, tant d’exquise propreté, que l’on doit en féliciter la ménagère de la maison.

— L’accomplissement des soins domestiques est un plaisir, monsieur ; l’ordre et la propreté, c’est notre luxe, à nous autres pauvres gens.

Sancta simplicitas ! — dit l’étranger ; puis il reprit en sou-