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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/118

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— Et ses mœurs ?

— Oh ! oh ! nôtre hôte, je ne saurais vous répondre là-dessus en présence de ma sœur et de ses enfants ; c’est un récit par trop à la pendarde…

— Ami Christian, — dit M. Jean, — vous êtes surpris de ma curiosité au sujet de ce capitaine espagnol ? Plus tard, vous comprendrez que les renseignements dont il s’agit vous intéressent aussi pour certaines raisons.

— Hêna, Hervé, — reprit l’artisan — le souper touche à sa fin, mes enfants ; il est tard, vous pouvez vous retirer.

— J’ai une broderie à terminer, — dit Brigitte ; — je vais travailler là-haut avec Hêna ; je descendrai ensuite desservir le souper. Tu m’appelleras, Christian, si tu as besoin de quelque chose.

Hervé embrassa son père avec un redoublement de tendresse affectée, se retira dans la chambrette où il couchait ; Brigitte et sa fille, montèrent à l’étage supérieur. L’inconnu et Christian restèrent seuls, avec le franc-taupin ; celui-ci reprit en riant :

— Ma sœur et ses enfants sont partis, ma langue se délie. Dites-moi, beau-frère ? avez-vous ouï parler du lévrier du fabliau ? Les plus belles lices soupiraient pour lui, il restait insensible à leurs tendres hognements ; on lui mit un froc de moine, et aussitôt il devint amoureux comme un forcené ! Eh bien ! le capitaine Loyola était non moins forcené pour l’amour que ce lévrier-là, sans avoir jamais eu besoin de revêtir un froc, et… Mais j’oubliais… Savez-vous avec qui, ce soir, j’ai rencontré don Ignace ?

— Non.

— Avec votre ami Lefèvre…

Christian resta muet d’étonnement ; puis, s’adressant à M. Jean :

— Mon étonnement est grand, je l’avoue, Lefèvre, dont je vous ai déjà entretenu, est un homme austère, absorbé par la science et par l’étude… Quels rapports peut-il avoir avec ce gentilhomme débauché ?…