Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/128

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— Saint Pansard ! ayez pitié de ma panse ! C’est ma foi vrai, beau-frère, les pots sont vides ! J’en devine la raison… Autrefois, je buvais tout… maintenant, je ne laisse rien… Un pot de vin, avez-vous dit ? Amen ! — reprit le franc-taupin, se levant. — Nous porterons à notre hôte un rouge bord ! rasade à la cardinale ! Et de ce pas, je vais…

— Non, de grâce ! terminez d’abord votre récit ; il m’intéresse plus que vous ne sauriez le croire ! — dit vivement M. Jean. — Mais, encore une fois, à quelle cause, vous qui avez si bien connu Loyola, attribuez-vous son incroyable métamorphose ?

— Que la caquesangue m’étouffe ! que la fièvre quartaine me serre si j’en sais rien ! Tantôt, j’écarquillais mon œil à me rendre louche, si je n’étais borgne, en contemplant don Ignace ; le revoyant si dépenaillé, si hâve, si punais, appuyé sur sa béquille, je n’ai pas eu le courage de me rappeler à lui… ventre saint Quenet ! je me sentais vergogneux d’avoir été page de ce crasseux béquillard !

— Comment ? Vous le disiez si beau gentilhomme, si adroit spadassin… et il était boiteux ?

— Il est resté boiteux depuis deux blessures reçues au siège de Pampelune !… Diavol ! tous les pères, tous les frères, tous les maris, dont le capitaine Loyola a loyolisé les femmes, les filles ou les sœurs, auraient été vengés de reste si, comme moi, ils l’avaient vu se tordre, ainsi qu’un possédé, en hurlant comme cent loups à la suite de ses blessures.

— Quoi, Joséphin, un homme si intrépide se montrer à ce point faible devant la douleur ?

— Devant la douleur, non ! puisque, à cause de ses blessures, il a enduré volontairement des tortures auprès de quoi la souffrance de ses plaies étaient des chatouillements…

— Mais ces tortures, pourquoi les a-t-il endurées ?

— Voici. La trêve des Espagnols et des Français dura quelques jours ; à son terme, le capitaine Loyola monte à cheval et commande