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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/152

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de la carrière où pénétrèrent les deux artisans. Ils n’allumèrent pas d’abord leur cierge, de peur que le vent ne l’éteignît ; mais au bout de quelques pas faits à tâtons dans l’obscurité, l’étincelle jaillit de la pierre du briquet, et bientôt la faible lumière du cierge jeta ses lueurs dans l’intérieur de la caverne, très-spacieuse quoique sa voussure fût assez basse. Un gros bloc de pierre de cinq à six pieds de hauteur sur huit à dix d’épaisseur, détaché sans doute depuis longues années des parois de ce lieu souterrain, en occupait le fond.

— Maintenant, je me le rappelle parfaitement, — dit Justin, — l’ouverture du couloir dont je t’ai parlé doit se trouver derrière cette pierre massive ; viens…

Ce disant, Justin s’engagea, suivi de son compagnon, dans un étroit intervalle laissé entre la muraille naturelle de la carrière et le bloc ; soudain ils entendirent le bruit des pas et des voix de plusieurs personnes se rapprochant de plus en plus de l’entrée de la grotte. Le premier mouvement de Justin, aussi surpris qu’alarmé, fut d’éteindre son cierge ; puis, il dit tout bas à Christian, tapi, comme lui, derrière le bloc de pierre :

— Ne bougeons pas… si l’on vient ici, l’on ne pourra nous découvrir…

Les deux artisans restèrent immobiles dans leur cachette, se demandant avec autant d’étonnement que d’angoisse qui pouvait se rendre à cette heure avancée en cet endroit désert.

Telle fut la scène nocturne, fils de Joel, à laquelle Christian et son ami assistèrent, invisibles et muets.

Les personnages qui pénétraient dans la carrière s’étaient aussi munis de luminaire ; l’un d’eux alluma un gros flambeau de cire dont la clarté rougeâtre illumina les traits des nouveaux venus, au nombre de sept. Celui d’entre eux qui entra le dernier, lorsque la torche fut allumée, jeta çà et là, autour de lui, des regards annonçant que ces lieux lui étaient familiers ; il marchait difficilement, boitait très-bas, s’appuyant d’une main sur une canne façonnée en