Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/174

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de fort naturel. Ce bon frère est un homme de bien ; tu songes à ses bonnes actions ; c’est tout simple…

— Mais non, bonne mère, mais non, ce n’est pas si simple que tu le dis !

— Explique-toi ?

— Voyons, mère, est-ce que tu n’es pas ce qu’il y a de meilleur au monde, toi ? est-ce que mon père n’est pas autant homme de bien que frère Saint-Ernest-Martyr ? est-ce que, de plus, vous n’êtes pas mes parents chéris, vénérés ? Cependant… et voilà ce qui me confond, comment se fait-il que, depuis avant-hier, je pense beaucoup plus souvent à lui qu’à vous ?… — Puis, avec un accent d’adorable ingénuité, la jeune fille ajouta : — Quand je te le dis, mère, c’est extraordinaire ! incompréhensible !…

Plusieurs coups heurtés précipitamment à la porte de la maison interrompirent cet entretien ; Brigitte dit à sa fille : — ouvre la fenêtre et vois qui frappe ; c’est sans doute ton frère.

— Oui, mère, c’est lui, — répondit Hêna entrouvrant la fenêtre. Et elle descendit dans la salle basse.

— Mon Dieu ! — pensait Brigitte avec angoisse, — comment interpréter les confidences d’Hêna ? Son âme est incapable de dissimulation ; elle m’a dit toute la vérité, sans se rendre compte du vague sentiment qu’elle éprouve pour ce jeune moine… Ciel ! si ma fille !… Ah ! combien j’ai hâte d’instruire Christian de cette étrange découverte !

Le bruit des pas d’Hervé, qui gravissait en hâte les degrés de l’escalier, attira l’attention de Brigitte. Elle vit soudain entrer son fils, suivi de sa sœur ; il s’écria d’un air effaré en mettant le pied dans la chambre :

— Ah ! ma mère !… — et il l’embrassa tendrement, — ah ! ma mère, quelle triste nouvelle !

— Cher enfant, qu’y a-t-il ? Tu m’effrayes !...

— Cette pauvre Marie-la-Catelle…