Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/193

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notre cause. Parmi ceux-là, nous compterions, je pense, un jeune homme à peine aujourd’hui sorti de l’adolescence et chez qui tout annonce, dit-on, un grand capitaine ; vous le verrez ce soir, je l’espère, à notre réunion.

— Quel est son nom ?

Gaspard de Coligny.

— Ce nom ne m’est pas inconnu…

— Son père a brillamment combattu dans les dernières guerres d’Italie et d’Allemagne ; il est mort laissant ses fils encore enfants. Madame de Coligny, pieuse et vaillante femme, les a élevés dans la foi évangélique. J’ai trouvé, il y a un an, refuge chez elle, dans son château de Châtillon-sur-Loing en Bourgogne ; là, j’ai connu son fils aîné, Gaspard. La précoce maturité de l’esprit de ce jeune homme, sa mâle douceur, ses vertus, son dévouement à notre cause, ont éveillé en moi les plus heureuses espérances, et…

— Monsieur, — dit Christian à voix basse en interrompant Jean Calvin, — nous sommes, je le crois, suivis ; je remarque depuis quelque temps, à peu de distance derrière nous, trois personnes qui semblent régler leurs pas sur les nôtres.

— Arrêtons-nous, laissons-les passer ; nous verrons s’ils s’obstinent à nous suivre. Peut-être aussi sont-ce des nôtres qui, comme nous, se rendent au lieu de l’assemblée.

Christian et Jean Calvin s’arrêtèrent ; bientôt ils furent dépassés par trois hommes vêtus de couleur sombre, portant tous trois l’épée ; l’un d’eux, à la faveur de la clarté de la lune, qui venait de se lever à l’horizon, parut examiner attentivement Jean Calvin en passant près de lui ; puis, après avoir encore marché pendant quelques instants avec ses amis, il les quitta, revint sur ses pas, et s’approchant de Christian et de son compagnon, dit en portant la main à sa toque :

— Monsieur Calvin, je suis heureux de vous rencontrer.

— Monsieur de Coligny ! — reprit le réformateur avec un accent de joie, — vous êtes venu… mon espoir n’a pas été déçu !