Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/198

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— Oui ; et depuis des siècles, nous avons toujours ignoré le sort de cette branche de notre famille. Mais, monsieur, je vous le répète, il m’est impossible de comprendre comment vous, prince allemand, vous possédez une connaissance si exacte des annales de ma famille roturière et de race gauloise ?

— Votre surprise cessera lorsque…

Karl de Gerolstein fut interrompu par Jean Calvin, qui, se retournant vers Christian, lui dit :

— Nous voici au sommet de la montée ; quel chemin prenons-nous ?

— Je vais marcher le premier et vous l’indiquer, — répondit Christian. Et il hâta le pas, tandis que le prince de Gerolstein lui disait :

— Il m’est impossible d’avoir avec vous un entretien suivi, dont je suis, pour mille raisons, très-désireux. Où demeurez-vous ?

— Sur le pont au Change, en face et à droite de la croix, en venant du côté du Louvre.

— Je me rendrai chez vous demain soir ; je choisis cette heure, monsieur Lebrenn, afin de ne pas vous distraire de vos travaux. — Et, tendant la main à l’artisan, le prince Karl de Gerolstein ajouta : — Donnez-moi la main, Christian Lebrenn ; nous sommes du même sang… Mon fils, encore adolescent, sait que le berceau de notre race est la vieille Gaule armoricaine ; le hasard des siècles et des conquêtes a rendu notre maison souveraine, mais nous sommes d’origine plébéienne…

Le prince, après avoir cordialement serré la main de Christian, ébahi, alla rejoindre Jean Calvin et ses amis. Justin, placé en vedette à l’entrée du sentier rocailleux conduisant à la carrière, s’avança vers son compagnon d’atelier, lui disant :

— Je commençais à m’alarmer. Toutes les personnes convoquées au rendez-vous sont depuis longtemps arrivées ; j’en ai compté soixante-deux… Je reste ici de guet ; maître Robert Estienne a prié