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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/210

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Là est notre crime, crime irrémissible ! nous attaquons la cupidité insatiable, l’orgueil superbe et le despotisme du prêtre ! Ce crime… un grand nombre de nos frères l’ont déjà expié par le martyre, d’autres l’expieront encore. L’acharnement de nos ennemis augmente en raison du progrès de l’Église évangélique… En voulez-vous une preuve ? La nuit passée, ici, dans le lieu où nous sommes réunis afin de confesser le plus sacré des droits : la liberté de conscience, sept prêtres se sont engagés par un serment redoutable à assurer l’omnipotence absolue de Rome sur les âmes ; à fonder le règne inflexible du gouvernement théocratique sur le monde, courbé sous les plus lourdes chaînes que la tyrannie ait jamais forgées ! Cette nouvelle société s’appelle la Société de Jésus ; elle doit être et sera un terrible instrument entre les mains de nos ennemis ! Ce fait seul est un indice des dangers dont nous sommes menacés. Deux mots encore. Notre Credo, notre confession de foi est fixée… elle sera celle de toutes les églises évangéliques de France ; maintenant, quelle attitude devons-nous prendre en face du redoublement de persécutions dont nous sommes l’objet ? Devons-nous… et c’est là ma pensée… devons-nous les subir avec un redoublement de résignation ? ou bien, la mesure comblée, résister à la force par la force ? Telle est la question sur laquelle il est urgent de prendre une détermination… J’invite notre ami Robert Estienne à émettre son opinion à ce sujet.

maître robert estienne. — Selon moi, nous devons, ainsi que nous l’avons déjà fait, et Jean Calvin le premier, adresser au roi François Ier de nouvelles et respectueuses requêtes, afin qu’il lui plaise de nous laisser exercer paisiblement notre religion, en nous conformant rigoureusement, selon notre coutume, aux lois du royaume ; si notre humble supplique est encore repoussée, puisons dans la force même de nos convictions le courage de supporter la persécution jusqu’aux dernières limites du possible…

jean dubourg, le marchand drapier. — Je partage l’avis de Robert Estienne ; résignons-nous patiemment, vaillamment. Ah ! chers