Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/218

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Clément Marot disait ces vers charmants, lorsque soudain Justin entra précipitamment dans le souterrain en criant :

— Alerte ! alerte !… une troupe d’archers et de cavaliers du guet monte le chemin de l’abbaye… j’ai vu au loin reluire leurs casques… Fuyez, fuyez par l’autre issue de la carrière !…

Un grand tumulte succéda aux paroles de l’artisan ; il prit l’un des flambeaux, courut à l’entrée du couloir masqué par le bloc de pierre, et pénétra dans l’étroite ouverture en disant :

— Suivez-moi… je connais le chemin !

— Frères ! — s’écria le vicomte de Plouernel, — nous tous hommes d’épée qui sommes ici, restons ; le guet n’osera mettre la main sur nous, la cour compte avec nos familles… Mais vous, Calvin, et tous ceux que le privilège ne met pas à l’abri des poursuites de nos ennemis, fuyez !

— Vous pouvez fuir avec sécurité, — ajouta Gaspard de Coligny ; — les archers du guet nous trouvant ici ne pousseront pas plus loin leurs recherches.

— S’ils découvraient la seconde issue par laquelle vous allez vous échapper, — ajouta le prince Karl de Gerolstein, — nous mettrions l’épée à la main ; nous sommes ici une vingtaine capables de tenir le guet en respect pendant que vous gagnerez au large.

Ce prudent avis est suivi par ceux que leur naissance ne sauvegardait pas ; Jean Calvin, dont la vie était si précieuse à l’Église évangélique, s’avance le premier sur les pas de Justin, porteur du flambeau ; puis les autres réformés se pressent à leur suite. Le couloir, très-étroit, à son entrée, allait ensuite s’élargissant et aboutissait à une excavation profonde entourée de berges escarpées, dont l’une offrait un étroit et rapide sentier à l’aide duquel l’on pouvait gravir jusqu’à la crête de ce ravin, au-delà duquel se trouvaient les champs et les bois étagés au versant de la colline de Montmartre. Robert Estienne, Clément Marot, Bernard Palissy et Ambroise Paré ne quittaient pas Jean Calvin ; Christian aidait Marie-la-Catelle à traverser les