Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/245

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donc désormais nager en plein crime, sans soucis pour votre âme, comme disait Picrochole…

— Mais, — reprit le mauvais-garçon en hochant la tête, — cette lettre n’absout qu’un seul chrétien… et nous sommes deux ?

— L’affaire faite, vous jouerez la cédule aux dés ! — répondit Joséphin. — Il y aura un perdant et un gagnant ; la chance est égale pour vous.

Les deux bandits se consultèrent du regard ; Picrochole reprit :

— Mais comment possèdes-tu cette lettre ? Ces absolutions-là sont les plus coûteuses… saint Cadouin ! le moins qu’elles vaillent est, dit-on, vingt-cinq écus d’or !

— Peu t’importe d’où je tiens cette cédule !… Mort-de-ma-sœur ! tout l’or du monde ne payerait pas les larmes que ce parchemin a fait couler !… — reprit le franc-taupin, dont les traits exprimèrent une douleur et une horreur profondes en songeant aux révélations de Brigitte mourante sur la passion incestueuse d’Hervé pour Hêna. Puis, se maîtrisant, l’aventurier ajouta : — Répondez. Voulez-vous, oui ou non, tous deux me prêter ce soir main-forte pour enlever ma nièce du couvent des Augustines et pour une autre expédition ?

— Saint Cadouin ! il y a deux coups à faire ; tu ne nous as pas dit cela d’abord…

— La seconde expédition n’est qu’un jeu ; s’emparer d’un coffret.

— Ce coffret, — demanda le tire-laine affriandé, — que contient-il ?

— Des papiers, — répondit le franc-taupin, — et quelques objets sans valeur. De plus, comme vous êtes de scrupuleux catholiques, j’ajouterai, pour la paix de votre âme, que ce coffret, qu’il s’agit de reprendre coûte que coûte, a été volé à mon beau-frère.

— Joséphin, tu veux nous en donner à garder ! — dit le mauvais-garçon ; — l’on n’attache pas tant de prix à des paperasses et à des objets sans valeur.

— Lorsque cette cassette sera en notre pouvoir, vous l’ouvrirez… si elle contient des choses précieuses, elles sont à vous…