Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/249

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— Quand nous remettras-tu la lettre ?

— Lorsque ma nièce sera en sûreté chez son père, et lorsque j’aurai le coffret entre mes mains.

— Mais si tu nous trompes ? mais si, l’expédition faite, tu ne nous livres pas la cédule apostolique ?

— Ventre saint Quenet ! et si, profitant d’un moment où je ne serai pas sur mes gardes, vous me poignardez cette nuit, afin de vous emparer de la lettre avant de m’avoir rendu les services que j’attends de vous ?

— Ah ! Joséphin, un pareil soupçon envers moi, ton ancien compagnon d’armes !…

— Confession ! nous qui avons bu au même pot, nous croire capables de…

— Sang-Dieu ! la soirée s’avance ; il nous faut le temps de préparer nos moyens d’escalade, — reprit l’aventurier. — Une dernière fois, est-ce oui ou non ?

Les deux bandits se consultèrent pendant quelques instants du regard ; puis Picrochole, tendant la main au franc-taupin :

— Foi de mauvais-garçon… et sur le salut de mon âme… c’est dit !…

— Foi de tire-laine… et sur le salut de mon âme… c’est dit !…

— Marchons ! — reprit le franc-taupin. Et il sortit de la taverne du vin Pineau, accompagné des deux bandits.


La courtille, ou maison des champs, que possédait Robert Estienne près de Saint-Ouen, sur la route de Saint-Denis, était solitaire et assez éloignée du village ; le chemin de traverse qui conduisait à l’entrée de cette demeure aboutissait à une grille en fer voisine d’une maisonnette occupée par le jardinier et par sa femme. Le logis principal s’élevait au milieu d’un jardin clos de murailles. Le lendemain de cette soirée où le franc-taupin, le mauvais-garçon et le tire-laine