Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/277

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pour votre époux ?… Vous promettez de l’aimer, de lui être soumise, de vivre saintement avec lui, de lui garder votre foi, comme c’est le devoir d’une épouse fidèle ; et comme Dieu vous le commande dans sa parole ?… »

— Oui, — reprit Hêna, les yeux chastement baissés.

« — Souvenez-vous l’un et l’autre de vos promesses, — poursuivit le pasteur ; et puisque Dieu vous a unis par le lien sacré du mariage, vivez ensemble dans la paix, dans l’union, dans la pureté, vous aidant l’un l’autre et vous gardant fidélité suivant la loi divine… Ô Seigneur Dieu ! Dieu de sagesse et de bonté ! — ajouta le ministre évangélique en joignant pieusement ses mains vénérables, — puisqu’il t’a plu appeler ces fiancés à l’état sacré du mariage, donne-leur ta bénédiction… et si tu veux qu’ils aient des enfants, fais que, digne époux et digne épouse, ils les instruisent dans la piété, ils les forment à la vertu[1]… »

Soudain la touchante solennité de cette cérémonie est interrompue par l’entrée de Michel, le jardinier ; pâle, éperdu, il accourt en s’écriant :

— Monsieur Estienne… sauvez-vous !… malédiction sur moi !… vous êtes trahis !…

Un moment de stupeur silencieuse accueille ces paroles. Hêna, par un mouvement instinctif, se jette dans les bras de son père ; Ernest Rennepont se rapproche d’elle ; le franc-taupin s’élance à la fenêtre et prête l’oreille du côté de la cour, tandis que le pasteur lève les yeux en disant :

— Seigneur, si vous me réservez au martyre… que votre volonté soit faite !…

— Nous sommes trahis, dites-vous, Michel ? — s’écria Robert Estienne, rompant le premier le silence.— Et qui nous a trahis ? 


  1. Liturgie du mariage protestant, p. 68, à la suite des Psaumes de David, mis en français par Clément Marot, Genève, 1784.