Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/30

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François Ier, sous le règne de qui commence la légende écrite par moi, Christian Lebrenn, succède à Louis XII, dont il était le plus proche parent, ayant eu pour père Charles, duc d’Angoulême, cousin germain de Louis XII. Ce dernier avait dit : « Ce gros garçon gâtera tout, » en parlant de François Ier ; ce roi n’a point jusqu’ici démenti cette prévision. À peine monté sur le trône (1er janvier 1515), à l’âge de vingt-et-un ans, il est, à l’exemple des deux derniers rois, possédé de la fureur de conquérir l’Italie, royale folie qui avait causé tant de guerres désastreuses et laissé, malgré l’augmentation croissante des impôts, le trésor royal à sec après la mort de Louis XII. Non-seulement François Ier aime la bataille pour la bataille, en vaillant et robuste gendarme, car sa taille a près de six pieds de hauteur ; mais il joint à ses goûts guerriers un faste effréné, l’amour de la table, de la chasse ; et un penchant désordonné pour les femmes. Il choisit ses maîtresses tantôt à sa cour, tantôt dans la boutique d’un marchand, et au besoin dans la fange des cités ; sa corruption date de l’enfance. « À dix ans, — dit l’un de ses panégyristes, — il avait déjà une maîtresse, des favoris et des flatteurs. » Plus besogneux à lui seul que ne l’ont été tous ses précurseurs, François Ier s’imagine de remédier à l’insuffisance des impôts en vendant au plus offrant toutes les charges judiciaires ; de sorte que le juge, achetant cher le droit de juger, vend le jugement en conséquence au lieu de le rendre avec équité. La justice ainsi affermée comme on afferme la gabelle, François Ier, ses coffres remplis, songe à la guerre d’Italie. Le 13 septembre 1515 il traverse les Alpes, et après un combat acharné, prolongé pendant deux jours, il remporte la sanglante bataille de Marignan et recouvre le Milanais, déjà tant de fois reconquis et perdu par la France. Après cette victoire, il se rencontre à Bologne avec le pape Léon X, successeur du sanguinaire Jules II. Lors de cette entrevue, François Ier accorde au pape le droit de lever sur les fidèles de la Gaule l’impôt des décimes, soi-disant destiné à subvenir aux frais d’une croisade contre les Turcs, mais au vrai destiné à grossier l’escarcelle pontificale ; en